Le parti défend son initiative des moutons noirs à coups d'arguments chocs. Quitte à prendre des libertés avec la réalité. Décryptage.
Hier, à Berne, l'UDC suisse a lancé sa campagne en vue de la votation du 28 novembre sur son initiative «pour le renvoi des étrangers criminels.»
Et ce matin, de nombreux journaux, dont celui-ci, publient une annonce frappée du visage patibulaire d'Ivan S., le violeur. Dans cette publicité, l'UDC vante les mérites de son texte et dénonce les lacunes présumées du contre-projet que lui ont opposé les Chambres fédérales. Ses arguments sont-ils solides? Décryptage, point par point.
«Avec le contre-projet, Ivan S. le violeur peut rester» en Suisse. FAUX.
Dans le contre-projet du Parlement, le viol est explicitement cité parmi les crimes menant à un peine d'un an et plus justifiant le renvoi, au même titre que le meurtre, l'assassinat, les infractions graves à la loi sur les stupéfiants, la traite des êtres humains ou encore l'escroquerie.
«Environ la moitié des délinquants pénaux de notre pays sont des étrangers.» VRAI.
Selon la statistique policière de la criminalité 2009, la proportion d'étrangers parmi les prévenus se monte à 47,8%. Ce taux monte, comme l'affirme l'UDC, à 59% pour les prévenus d'homicides, et à 62% pour les cas de viol.
«70% des détenus des prisons suisses sont des étrangers.» VRAI.
L'UDC utilise toutefois des chiffres incluant les étrangers soumis aux mesures de contrainte en vue de leur renvoi ainsi que ceux qui se trouvent en détention préventive. Pour les criminels exécutant leur peine, la part d'étrangers dans les prisons suisses est de 63% (chiffres 2008).
Avec le contre-projet, «les délinquants expulsés peuvent revenir en Suisse éventuellement après un an déjà.»
En fait, le contre-projet ne précise pas la durée des interdictions d'entrée sur territoire suisse. La loi actuelle sur les étrangers non plus, d'ailleurs.
Dans la pratique, pourtant, la durée d'une telle interdiction est au minimum d'un an, explique Alfred Dieffenbacher, de l'Office fédéral des migrations. Qui ajoute qu'en cas de viol, l'interdiction d'entrée en Suisse est forcément plus longue. De son côté, l'UDC réclame une interdiction de 5 ans au moins.
Ivan S. ne sera pas Suisse
Ivan S. bientôt Suisse? FAUX.
La loi sur la nationalité le stipule: avant d'accorder le passeport à croix blanche, les autorités vérifient que le candidat «se conforme à l'ordre juridique.» S'il a un casier judiciaire, il n'est pas naturalisé.
«Des programmes d'intégration étatiques pour les étrangers criminels?» FAUX.
L'UDC mélange les deux articles du contre-projet. Le premier parle bien d'intégration, mais de tous les étrangers résidant en Suisse. C'est dans le deuxième article que sont réglées les conditions de renvoi des étrangers criminels.
Avec le contre-projet, «les juges et les autorités décident à leur guise qui doit être expulsé». FAUX.
Le contre-projet stipule que les étrangers condamnés à une peine d'un an moins pour une liste détaillée de crimes, ou à une peine de 18 mois pour escroquerie ou infraction aux assurances sociales, sont expulsés. Toutefois, avant de retirer le droit de séjour ou d'ordonner le renvoi d'un étranger condamné, le juge doit veiller «au respect des droits fondamentaux et des principes de la Constitution et du droit international, en particulier (...) du principe de proportionnalité.»
Avec le contre-projet, «l'expulsion d'étrangers criminels est empêchée en référence au droit international et aux conventions internationales.» FAUX.
Le renvoi n'est pas empêché. En tout cas pas plus qu'avec la solution UDC, estime Isabelle Moret (rad/VD), favorable au contre-projet: «L'initiative UDC est contraire à la Convention européenne des droits de l'homme et à la Convention relative au statut de des réfugiés. Les juges ne pourront donc pas l'appliquer.»
Serge Gumy dans le Nouvelliste
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