Les «Zizous», ces jeunes Algériens en situation irrégulière, sont les personnes les plus fréquemment appréhendées dans le canton. Leur renvoi bute sur un différend entre Alger et Berne.
A Genève, les Algériens sont de loin les personnes les plus fréquemment arrêtées en flagrant délit. C’est ce qu’indiquent les rapports quotidiens d’interpellation de la police cantonale. Sur 35 communiqués datant d’avril à août dernier, il apparaît que 24 Algériens ont été appréhendés par les forces de l’ordre contre 14 Albanais, 13 Suisses, 11 Guinéens, 8 Français etc. Les communiqués font état de vols, violences, dommages à la propriété, vente ou consommation de stupéfiants…
Patrick Pulh, porte-parole de la police, confirme: «Les Algériens arrivent en tête et le phénomène n’est pas nouveau, il date d’environ trois à quatre années, depuis l’arrivée sur notre territoire de cette population.» Avec le durcissement des lois d’accueil et de séjour dans les pays voisins, beaucoup de Maghrébins se rabattent sur la Suisse et particulièrement Genève. Très jeunes pour la plupart, ils ont quitté illégalement leur pays, le plus souvent par voie maritime, afin de fuir ce qu’ils appellent la «hogra» (injustices). On les croise aujourd’hui aux Pâquis, dans le quartier des Eaux-Vives et autour du Jardin anglais.
Combien sont-ils? Cent, deux cents, les estimations sont floues. Ces petits délinquants surnommés les «Zizous» – car très habiles dans les jeux de jambes pour coucher un passant – sont les spécialistes des vols à la tire. Ils passent parfois des nuits au poste avant de bénéficier le plus souvent de «remise trottoir». «Ils ressortent assez vite, car il ne s’agit pas le plus souvent de gros délits, et les jours-amendes sont dans leur cas inefficaces, regrette un officier. On crée du coup une espèce d’impunité et il n’y a aucune raison donc qu’ils aillent voir ailleurs.» Ils disent aux agents de police qu’ils sont Palestiniens ou Irakiens et que leurs papiers «ont brûlé pendant la guerre». Non identifiables, donc non renvoyables. Certains revendiquent plusieurs identités.
Parfois, l’examen des empreintes digitales finit par déterminer leur origine. On se heurte alors à un casse-tête. Car après l’entrée en vigueur en 2007 de l’accord bilatéral Suisse-Algérie sur la circulation des personnes, un protocole d’application devait être conclu, intégrant la question du retour de ressortissants algériens en séjour illégal sur le sol helvétique. A ce jour, selon le Département des affaires étrangères, «la Suisse attend toujours une proposition de date pour la signature dudit protocole avec l’Algérie». Celle-ci n’est pas encore fixée et rien n’indique qu’elle le sera bientôt.
La faute à qui? Le politologue et spécialiste du monde arabe Hasni Abidi, qui considère qu’Alger a sous-estimé le désarroi de ses enfants au point qu’il est devenu impossible de mettre un terme à leur exode, répond: «L’Algérie ne s’intéresse pas à eux. Ce qu’il lui faut, c’est le renvoi de gros poissons. Elle ne veut pas accéder à la demande suisse sans contrepartie.»
Selon des rumeurs persistantes, Alger conditionnerait en effet sa collaboration dans ce dossier à l’extradition par Berne des islamistes algériens réfugiés en Suisse. A l’image de l’avocat Rachid Mesli, ancien défenseur des dirigeants du Front islamiste du salut (FIS, aujourd’hui dissous), condamné par la justice algérienne à 20 ans d’emprisonnement par contumace pour «constitution d’un groupe terroriste armé actif en Suisse». Peine que la diplomatie helvétique ainsi que beaucoup de défenseurs des droits de l’homme ont dénoncée.
Contactée par Le Temps, la représentation algérienne à Berne a fait savoir qu’«en l’absence prolongée de l’ambassadeur, personne n’était habilitée à répondre à ce type de questions». Un diplomate déplore cependant un risque de stigmatisation de la communauté algérienne, composée «essentiellement d’universitaires parfaitement intégrés».
Christian Lecomte dans le Temps
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