Les expulsions de Roms entreprises par le gouvernement du président Nicolas Sarkozy fâchent l'Eglisecatholique . Après les mots du pape, les dignitaires religieux français montent au créneau pour dénoncer le sort réservé à ces personnes. Du côté du pouvoir, on se réfugie dans la séparation entre Eglise et Etat si chère à la République.
Le président de la Conférence des évêques de France, le cardinal André Vingt-Trois, a annoncé hier qu'il rencontrerait le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux. Soit le grand ordonnateur de la lutte lancée fin juillet par le président Sarkozy contre les campements illégaux de Roms. Une offensive qui a déjà conduit au démantèlement de 88 camps, a précisé ce ministre le même jour. L'annonce de cette entrevue fait suite à l'exhortation à l'accueil de toutes les populations prononcée dimanche en français par Benoît XVI: des propos qui ont été perçus, à Paris, comme un désaveu implicite de cette politique.«La position de l'Eglise est claire et elle a été rappelée dimanche par le pape. C'est de rappeler que le respect des personnes est impératif, qu'il faut être disponible à une solidarité effective», a précisé André Vingt-Trois. Celui-ci s'est dit hostile à ce qu'une communauté soit assimilée à une «culpabilité collective», «montrée du doigt». «Les évêques de France sont très soucieux depuis de nombreuses années» de la politique migratoire hexagonale, a rappelé leur porte-parole, Mgr Bernard Podvin.
«Une fêlure importante»
Précédemment, l'archevêque d'Arles (Bouches-du-Rhône) s'était ému des conditions d'expulsion de certains camps de Roms et avait jugé «inacceptables» les «discours sécuritaires qui peuvent laisser entendre qu'il y a des populations inférieures». Dimanche, un prêtre de Lille (Nord) avait fait grand bruit en dénonçant la «guerre» faite aux Roms selon lui. «J'étais étranger et vous m'avez accueilli», a renchéri hier l'archevêque de Clermont-Ferrand, citant l'Evangile selon saint Mathieu.Au même moment, l'ex-ministre Christine Boutin a constaté que cette question des Roms avait entraîné «une fêlure importante» entre son petit Parti chrétien-démocrate et l'UMP. Et, le matin même, le quotidien chrétien «La Croix» s'est élevé contre «la stigmatisation», «depuis plusieurs semaines», des gens du voyage. Le titre a relayé l'appel de l'aumônerie catholique de Lourdes à pétitionner contre «la politique raciste du gouvernement».Toutes ces prises de position issues de la mouvance catholique constituent-elles «une passe d'armes», voire «une offensive», de l'Eglise contre le pouvoir sarkozyste, comme l'analysaient plusieurs médias hier? En tout cas, tant le ministre de l'Intérieur que celui de l'Immigration se sont bien gardés de jeter de l'huile sur le feu. S'ils ont démenti toute inhumanité dans le sort des Roms, ils ont sobrement pris acte des positions de l'Eglise.
Séparation Eglise et Etat
Il faut dire que leur collègue Bruno Le Maire, qui avait rappelé la règle de la séparation entre l'Eglise et l'Etat, s'est pris une sèche réplique de l'archevêque de Clermont, pour qui «cette séparation n'est pas l'ignorance du bien commun». Avec cette controverse sur les Roms, comme jadis avec son style de pouvoir très ostentatoire et avec les «affaires» Frédéric Mitterrand, Jean Sarkozy ou Henri Proglio, l'Elysée est-elle en train de perdre le soutien de l'électorat catholique? «Il faut rester prudent», jugeait hier Jérôme Fourquet, de l'institut Ifop.
Un électorat mal pris
En 2007, Nicolas Sarkozy, grand zélateur des «racines chrétiennes» de la France et admirateur de Jean-Paul II, avait été massivement soutenu par l'électorat catholique: 37% des électeurs de cette confession avaient voté pour lui. Sociologiquement, les catholiques se retrouvent davantage dans deux groupes (les seniors et les femmes) qui, traditionnellement, votent à droite.Des électeurs qui «peuvent être sensibles aux positions de l'Eglise sur la question des Roms mais qui le sont aussi, de par leur composition sociologique, aux discours sur la sécurité», selon Jérôme Fourquet. Avant ce débat enflammé sur les Roms, une étude Ifop de 2010 avait confirmé l'ancrage à droite de l'électorat catholique - qui se déclare à 30,6% partisan de l'UMP, contre 25% pour le corps électoral dans son ensemble.
Bernard Delattre, Paris, dans la Liberté
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire