jeudi 15 juillet 2010

De la clandestinité à la délinquance

Cas d’école de l’accueil en Suisse d’enfants de clandestins scolarisables, puis interdits de travail faute de permis de séjour. A 20 ans, l’un d’eux s’est fait lourdement punir hier à Lausanne pour cambriolages.

Il faut davantage qu’un tribunal correctionnel pour l’impressionner. Plutôt culotté pour ses 20 ans, malgré son air d’ado docile et poli. Ilia* a peut-être connu des heures meilleures, mais surtout de bien pires. Par exemple lorsque, à l’âge de 11 ans, il a fui la Géorgie par ses propres moyens avec son frère cadet pour rejoindre sa mère en France, puis en Suisse. C’est en tout cas ce qu’il raconte.

Ce qui est sûr, c’est que sa famille n’a pas obtenu de statut dans notre pays. Elle a vécu grâce à l’aide d’urgence – 350 francs par mois, en plus du loyer et de l’assurance-maladie. Ce qui est certain aussi, c’est qu’Ilia a fréquenté l’école à Lausanne jusqu’en 9e VSO. Pour se retrouver à la rue à 17 ans, plein de faux espoirs après un an à l’OPTI, comme tous les enfants de clandestins interdits de travail.

Tous ne deviennent pas délinquants. Ilia avait semble-t-il des prédispositions. Les psys soulignent notamment son mépris des normes, sa froideur et son manque d’empathie. Une première série de vols l’envoie un an en foyer d’éducation à Sion. Il sort et recommence. Frénétiquement, il commet pas moins de 17 cambriolages d’appartements en quatre mois l’an passé, seul ou avec un complice jugé séparément. Et il se fait finalement pincer en juin 2009. Depuis ce jour-là, il croupit en préventive .

La plupart des objets volés ont été revendus à des prix dérisoires. L’argent a été dépensé en vêtements et nourriture. Ilia dit avoir essayé de constituer une épargne au cas où il retournerait au pays. Cela ne satisfait les juges qu’à moitié. «Nous avons la conviction qu’il est l’outil de malfrats plus avertis, la cheville ouvrière d’une délinquance à plus large échelle.»

Présidée par Katia Elkaim, la correctionnelle l’a condamné à 24 mois ferme pour vol en bande et par métier. Pour autant, il ne retournera pas en prison.

Le tribunal a décidé de suspendre l’exécution de cette peine pour une prise en charge mieux adaptée. Il a ordonné son placement dans un centre de prise en charge socio-éducatif pour jeunes adultes. Une telle mesure peut se prolonger jusqu’à l’âge de 25 ans. Ilia n’en veut pas, mais la Cour estime que seul un tel encadrement strict devrait lui permettre de retrouver un droit chemin. Et aussi d’accomplir une formation, puisqu’il est désormais au bénéfice d’une admission provisoire en Suisse.

Enfin, en plus de la sanction pénale, son parcours a un coût. Dès qu’il le pourra, Ilia devra payer 69 000 francs de frais de justice. Un montant élevé, justifié notamment par la pension complète en préventive durant 393 jours.

* Prénom fictif

GEORGES-MARIE BÉCHERRAZ dans 24 Heures

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