jeudi 15 juillet 2010

«Annoncer maintenant la reprise des vols spéciaux vers le Nigeria aurait été indécent»

Alard du Bois-Reymond vient de passer deux jours au Nigeria dans un contexte difficile. Sa double mission consistait à expliquer les causes du décès d’un Nigérian lors de son rapatriement forcé en mars dernier à Zurich et à faire avancer les négociations pour conclure un «partenariat migratoire». Le directeur de l’Office fédéral des migrations commente son délicat mandat.

Il vient de passer deux jours au Nigeria dans un contexte difficile. Sa double mission consistait à expliquer les causes du décès d’un Nigérian, survenu en mars dernier à Zurich, lors de son rapatriement forcé, et à faire avancer les négociations pour conclure un «partenariat migratoire». Le directeur de l’Office fédéral des migrations commente son délicat mandat.

Le Temps: Revenez-vous de votre voyage satisfait?

Alard du Bois-Reymond: Oui, très. Le climat était empreint d’émotion en raison de la mort tragique du Nigérian à l’aéroport de Zurich, mais nous avons pu mener des débats constructifs. Le fait que je me sois déplacé à Abuja en reconnaissant la gravité de l’incident et qu’il fallait prendre des mesures urgentes a contribué à détendre l’atmosphère.

– Vous avez exprimé des «regrets» à propos du mort, dont la famille a été indemnisée à hauteur de 50 000 francs. Vous êtes-vous aussi excusé pour vos propos concernant les Nigérians criminels qui abusent de l’asile?

– Cet élément a à peine été évoqué. Il en a brièvement été question au deuxième jour de notre visite. Mais pas lors de la rencontre avec le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Martin Uhomoibhi. L’affaire avait déjà été réglée avec lui à Genève fin avril, lorsqu’il m’a demandé des explications. Le dramatique incident de ce printemps a bien davantage marqué les discussions.

– Justement: les vols spéciaux ont repris le mois dernier, sauf vers le Nigeria. Où se situe le blocage?

– Il n’y en a pas. Après analyse de la situation, des mesures urgentes ont été prises pour éviter de nouveaux drames: désormais, une équipe médicale participera aux rapatriements forcés et des observateurs indépendants pourront embarquer sur des vols de ce type dès 2011. Mais il aurait été indécent de se déplacer au Nigeria pour exprimer nos regrets à propos du drame et annoncer aussitôt la reprise de ces vols vers le pays. L’émotion est encore trop forte. J’ai par contre suggéré que des représentants des autorités nigérianes participent à l’avenir à ces vols. Je suis confiant: ils devraient reprendre rapidement.

– Le «partenariat migratoire» avec le Nigeria n’a toujours pas été scellé: quels sont les derniers obstacles à sa signature?

– Depuis quelques semaines, le dossier avance en fait rapidement. Micheline Calmy-Rey avait lancé les négociations en avril 2009, lors d’une visite au Nigeria. Ce sont ensuite les Nigérians qui ont pris une année avant de nous faire des contre-propositions. Ils n’avaient pas bien compris ce que nous voulions. En octobre, une délégation nigériane viendra en Suisse. J’espère que le partenariat sera scellé à ce moment-là.

– Les Nigérians revendiquent-ils toujours un quota d’immigration légale («employment quota allocation»)?

– Non. Nous leur avons expliqué que ce n’était pas possible, que cela ne faisait pas partie de notre réalité politique. Ils ont compris. Nous essayons plutôt de trouver des «niches» dans le domaine de la formation. Une idée serait par exemple d’accorder des permis de travail temporaires à une trentaine d’employés nigérians d’entreprises suisses, pour qu’ils puissent bénéficier d’une formation supplémentaire en Suisse.

– En quoi ce partenariat diffère-t-il de l’accord de réadmission conclu en 2003?

– Il est plus large. Son but est à la fois de lutter contre les problèmes liés à la migration irrégulière et de favoriser les effets bénéfiques des migrations. Nous voulons par exemple aider la diaspora nigériane, qui souffre de préjugés, à mieux s’intégrer. Une autre piste serait d’assister les Nigérians victimes dans leur pays de déplacements internes. En les aidant, nous pouvons éviter qu’ils deviennent des migrants internationaux. Tout le monde a à y gagner.

Entretien de Valérie de Graffenried dans le Temps

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