mercredi 14 mai 2008

Belgique : Des expulsions d’étrangers désespérantes



Date de parution : mardi 13 mai 2008.

LIBREVILLE, 13 mai (Infosplusgabon) - Un sans-papiers camerounais s’est suicidé en Belgique. Sa mort relance le débat sur la sévérité des critères et les modalités d’expulsion des étrangers en situation irrégulière. Un débat bientôt porté à l’Union européenne, dont la politique risque de devenir plus stricte encore.

Ebenizer Folefack Sontsa, un ressortissant camerounais, est décédé en Belgique le 1er mai. Un fait banal, si cette mort n’était pas un suicide (selon la version officielle), dans un "centre fermé pour demandeurs d’asile", d’une personne à la veille d’être expulsée vers son pays d’origine.

Et cela, alors que le monde associatif belge et certains milieux politiques réclament un assouplissement des critères de régularisation des personnes d’origine étrangère et, en attendant, un moratoire sur les expulsions.

Les derniers jours d’Ebenizer Folefack Sontsa* ont été agités. Emmené le samedi 26 avril par des policiers dans un avion belge à destination de Douala, il se débat. Un passager, Serge Ngajui Fosso, français d’origine camerounaise qui rentrait en vacances, s’aperçoit de l’agitation et, avec d’autres voyageurs, interpelle l’équipage.

Il filme la scène sur son téléphone portable. Finalement, les policiers débarquent l’homme en voie d’expulsion... et trois autres personnes, dont M. Fosso. Celui-ci est menotté, mis au cachot pendant onze heures et interdit de vol sur la compagnie aérienne en question pendant 6 mois.

Relâché, il constatera que la vidéo a été effacée de son téléphone. Il a porté plainte contre la compagnie. Ebenizer Folefack Sontsa, lui, est ramené dans un centre fermé, où il apprend qu’il sera à nouveau mis dans un avion vers le Cameroun le 5 mai. Ce qui l’aurait conduit à se suicider.

Des enfants enfermés

Ces faits sont révélateurs de deux problèmes. Le premier est celui des "centres fermés" où passent quelque 8 000 personnes par an. Pour les autorités, c’est simplement un lieu de transit où sont placées des personnes en voie d’expulsion ou celles qui demandent l’asile politique en débarquant à l’aéroport. Mais pour les sans-papiers et leurs défenseurs, ces centres sont assimilables à des prisons, à la différence près que les détenus n’ont pas été condamnés.

A plusieurs reprises, des gardiens ont dénoncé à la presse, sous anonymat, les mauvais traitements et pressions psychologiques exercées sur ces sans-papiers. Dans les centres mêmes, il arrive que certains - notamment des malades mentaux - soient mis en cellule d’isolement pendant 2 à 3 mois.

Et lors d’une procédure avortée d’expulsion, certains sans-papiers reviennent avec des traces de coups ou sans les quelques biens qu’ils possédaient. La Belgique a déjà été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour avoir détenu des enfants dans ces centres, alors que l’enfermement des mineurs est interdit, sauf exception. En 2002, c’est une petite fille de 5 ans ( !) non accompagnée qui s’y trouvait enfermée.

L’autre débat est celui des critères d’expulsion des étrangers. La tendance générale, en Europe, est de plus en plus restrictive. En Belgique, une vaste opération de régularisation a eu lieu en 1999-2000. Mais depuis, chaque semaine, des personnes sont expulsées alors que, parfois, ce sont des familles bien intégrées dans des quartiers ou des villages qui se mobilisent bien souvent pour que les sans-papiers puissent rester.

Une directive "de la honte"

Depuis près de cinq ans, de très nombreuses manifestations, occupations d’églises, grèves de la faim... ont été menées par des sans-papiers, appuyés par des associations, par la Ligue des droits de l’Homme, des avocats... Dans les meilleurs des cas, elles débouchent sur des ré-examens de dossiers individuels.

Mais ce que demandent les sans-papiers, c’est une modification de la politique globale. Ainsi, dès 2006, l’Union pour la défense des sans-papiers (Udep) réclamait que soient régularisées diverses catégories de personnes, comme celles qui ont en emploi, qui, en gros, peuvent faire état d’une bonne intégration dans le pays. En vain. En Belgique, les décisions de régularisations sont de plus difficiles à obtenir. Selon l’Udep, presque tous les refus sont justifiés par un même argument : "Les éléments évoqués ne constituent pas une circonstance exceptionnelle empêchant ou rendant difficile un retour au pays d’origine."

Le nouveau gouvernement belge, formé en mars, a prévu de revoir les critères de régularisation, mais ne l’a pas encore fait. En attendant, les associations demandent à la ministre de l’Asile et des Migrations un moratoire sur les expulsions, puisque les personnes renvoyées aujourd’hui satisferont peut-être bientôt les nouveaux critères.

Mais la réponse de la ministre, membre d’un parti libéral (droite) opposé aux régularisations, est ne laisse guère augurer plus d’ouverture : "Un moratoire ne donne que de faux espoirs aux gens."

Les expulsions se poursuivent donc. Et le débat sort des frontières belges pour s’étendre à l’Union européenne. Un projet de directive, que certains appellent déjà "de la honte", doit être examiné en juin au Parlement européen en vue d’harmoniser les règles nationales des Etats membres en matière d’expulsion.

Quelque 8 millions de migrants seraient en séjour irrégulier dans les pays de l’UE. Selon les associations et tendances politiques qui y sont opposées, cette harmonisation aboutirait à ce que "les standards [soient] revus à la baisse". Encore...

Aucun commentaire: