On commence presque à l’oublier: Vaud a rejeté l’initiative antiminarets. Dans “La semaine politique” de 24 Heures, Justin Favrod, chef de la rubrique Vaud.
Quatre cantons ont dit non le week-end dernier à l’initiative antiminarets. Le canton de Vaud, avec ses 53,1%, n’a trouvé que Genève pour la refuser plus nettement.
Qui se souvient de cette médaille vaudoise frappée en 1845 pour célébrer l’expulsion des jésuites hors du canton? De 1810 à 1970, une loi interdisait aux catholiques d’édifier des clochers dans les districts protestants. Par le passé, il est arrivé que les Vaudois rejettent cultures et confessions qui n’étaient pas les leurs. Mais, depuis plusieurs années, ils ont cessé de craindre l’autre.
Cette évolution s’est manifestée en 1992 par le vote sur l’Espace économique européen, où 78,3% des Vaudois disaient oui contre 49,7% des Suisses. Et cette attitude ne s’est plus démentie depuis lors. Que ce soit sur l’adhésion à l’ONU en 2002 (63,5% de oui contre 54,6% au niveau suisse) ou sur la naturalisation facilitée en 2004 (67,4% contre 43,2%), les Vaudois ont joué l’ouverture. Et, chaque fois, le score cantonal figure dans le peloton de tête de ceux qui approuvent.
Les socialistes vaudois suggèrent que l’Etat devienne laïc (24 heures d’hier) en arguant notamment que Neuchâtel et Genève le sont et qu’ils ont refusé l’initiative. Toutefois, Vaud, si peu laïc, a refusé plus nettement l’initiative que les Neuchâtelois (50,8% de non). Ce n’est donc pas une piste qui s’impose.
Il reste qu’une forte minorité de Vaudois a accepté cette initiative. Et la géographie du vote est à première vue étrange. Il ne dénote pas une coupure gauche-droite de l’électorat. Des communes aux mains de la gauche, comme Sainte-Croix, ont refusé les minarets. Des communes «bourgeoises» les ont acceptés. Quoi de commun, en effet, entre Lausanne, Rivaz et Tannay? De la Terre-Sainte à Lavaux, ces communes ont voté à plus de 60% contre cette initiative. L’«agglomération lémanique» a voté peu ou prou dans ce sens. Plus loin du Léman, la situation est contrastée. De nombreux villages ont accepté l’initiative à plus de 60%. Toutefois, les régions qui bénéficient d’industries performantes et les lieux urbanisés l’ont rejetée.
Un canton coupé en deux. D’un côté, des villages où l’étranger est à la fois absent et menaçant, qui ressentent la mondialisation comme une menace pour leur monde et leurs valeurs. De l’autre, la majorité de la population, qui vit avec et de l’étranger: elle voit dans l’ouverture au monde une chance et un bonheur. Elle n’a pas peur.
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