Une vaste opération de débarras des campements sauvages des mendiants à Genève provoque l'indignation de l'association Mesemrom. La police dit ne faire qu'appliquer la loi. Un article signé Mathieu Cupelin dans le Matin.
«Mardi, des policiers accompagnés de la voirie ont sillonné la ville et se sont livrés à une véritable chasse aux campements de fortune des Roms, embarquant toutes leurs affaires», s'indigne Dina Bazarbachi, présidente de l'association de défense des Roms Mesemrom. «Alors que les abris sociaux n'ouvriront que le 16 novembre, ces personnes se retrouvent totalement démunies par ce froid. Une telle opération met en danger la vie de ces gens, notamment celle des enfants.»
Les Roms concernés, estimés à une quarantaine par Mme Bazarbachi, se sont donc retrouvés privés des matelas, des couvertures et des vêtements de récupération qu'ils avaient amassés sous des ponts ou dans des parcs. «Des médicaments ont aussi été emportés.» Une solution d'urgence a été trouvée pour trois bébés et deux mamans, qui ont pu être hébergés dans une chambre à l'Armée du Salut. Et des membres de Mesemrom ont recueilli six enfants chez eux.
Mais, pour les nuits à venir, la présidente de l'association ne voit pas de solution, à moins que la Ville de Genève accepte d'ouvrir l'abri des Vollandes, destiné aux personnes sans domicile fixe, plus tôt que prévu.
20 tonnes de déchets
L'opération, qui visait apparemment tous les campements disséminés sur le territoire de la Ville de Genève, tombe moins de deux semaines avant l'élection du Conseil d'Etat. Une manière pour le Département de la police, dirigé par le socialiste Laurent Moutinot, de montrer les dents et de couper l'herbe sous les pieds du Mouvement citoyens genevois, qui promet de faire disparaître les mendiants des rues en quarante-cinq jours? La question irrite Eric Grandjean, porte-parole de la police genevoise. «C'est la vingtième fois que nous débarrassons des campements roms cette année. Il ne s'agissait pas d'une opération commando, mais d'une mission de routine faisant partie du mandat de base de la police. L'ordre ne vient pas du magistrat, mais d'un officier de gendarmerie.»
Pour les autorités, les effets entreposés dans les campements roms sont des détritus. «Nous intervenons chaque fois que nous constatons une accumulation de déchets gênante, dans le cadre du règlement sur la propreté, la salubrité et la sécurité publiques.» Depuis le début de l'année, environ 20 tonnes d'affaires diverses, dont beaucoup de vieux matelas, ont été enlevées par la voirie.
L'opération qui s'est déroulée mardi a visé une demi-douzaine d'emplacements, selon M. Grandjean. N'aurait-il pas été possible de la repousser un peu en attendant l'ouverture de l'abri d'hiver? «Ce n'est pas le problème de la police de savoir si les abris sont ouverts ou pas encore.»
Quota de roms dans l'abri
Comme l'hiver dernier, les Roms ne trouveront de toute manière pas tous une place dans l'abri des Vollandes, d'une capacité de 80 à 100 places. Ils ont été informés hier par les Services sociaux que vingt-cinq d'entre eux au maximum y seraient accueillis chaque nuit. Ce quota existait déjà l'an dernier, où il était fixé à trente. «Pour que chacun puisse se sentir à son aise, nous devons trouver un équilibre entre les différents types d'utilisateurs, explique Philippe Bossy, responsable du secteur exclusion à la Ville de Genève. Un groupe trop important aurait un effet excluant.» L'hiver dernier, 820 personnes au total ont fréquenté l'abri, dont environ 300 Roms, pour un total de 13'000 nuitées.
Cette année va se poser un problème épineux: une dizaine d'enfants roms de moins de 12 ans se trouvent à Genève actuellement. Or les mineurs ne sont pas admis dans l'abri des Vollandes et l'Armée du Salut n'a pas assez de place pour les accueillir. Avec leurs familles, ils devront donc se débrouil-ler pour se préserver du grand froid pendant la nuit.
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