Sur internet, l’Yverdonnoise Whitney Toyloy est comparée à un «abcès» par un membre du Parti des nationalistes suisses (PNOS). Une procédure pénale a été ouverte.Un article de Nadine Haltiner dans 24 Heures.
Elle incarne l’ab cès qui est déjà en train de dévorer la Confédération libre et indépendante.» Voilà comment Dominic Lüthard, membre du Parti des nationalistes suisses (PNOS), dépeint Whitney Toyloy dans un article publié le 11 octobre sur le site internet de sa section de Langenthal (BE). Des propos que les autorités bernoises n’apprécient guère. Hier, elles ont ouvert une procédure pénale contre le parti d’extrême droite. Elles invoquent une éventuelle violation de la norme pénale antiraciste.
Sur la page de garde du site, l’homme n’hésite pas à fustiger vertement la nouvelle Miss Suisse et sa dauphine. En ligne de mire: leur couleur de peau métisse et leurs origines internationales. «A la première place, nous avons Whitney Toyloy, la Suissesse noire qui a vécu à Singapour, en Espagne et aux Etats-Unis. Bref, typiquement Suisse! A la deuxième place, nous avons hérité de Rekha Datta, qui a des origines indiennes.
Deux personnes qui n’ont pas de racines suisses. Et celles-ci doivent représenter le pays? Non.»
Whitney ne s’exprime pas
Whitney Toyloy, qui disait vouloir incarner la Suisse multiculturelle, est-elle blessée par ces propos? Peut-être. Mais la Vaudoise ne communiquera pas, prévient le comité de Miss Suisse. «Nous voulons éviter toute polémique, explique Christoph Locher, son directeur. En plus, nous ne souhaitons pas faire de pub à ce groupe politique.» Le père de Whitney ne s’exprimera pas non plus. Nous l’avons joint hier lui avons appris l’existence de ces critiques. D’un ton ferme mais poli, il a préféré éviter tout commentaire.
Nul ne sait si sa fille portera plainte. Le comité de Miss Suisse assure de son côté qu’il n’en fera rien. Il préfère laisser faire la justice. La procédure pénale, ouverte d’office par le Service régional des juges d’instruction de la région Emmental-Oberaargau, devra déterminer si les propos de Dominic Lüthard tombent bel et bien sous le coup de la norme antiraciste, au sens de l’article 261bis du Code pénal.
Jusqu’à présent, cet article a surtout été invoqué pour poursuivre des négationnistes. Rarement pour des propos tenus envers des personnes précises. Mais pour Charles Poncet, l’aboutissement judiciaire ne fait aucun doute. «Ces propos sont dégueulasses, s’offusque l’avocat genevois. Ils remplissent les trois critères permettant de conclure à une discrimination raciale. Premièrement ils sont tenus dans un espace public, deuxièmement ils peuvent être considérés comme un appel à la haine raciale, troisièmement ils portent atteinte à la dignité humaine, parce qu’ils comparent les personnes de couleur à des «abcès ».
Propos pas retirés
Un avis partagé par Tom Frischknecht, spécialiste bernois en droit pénal. Cité hier par la Berner Zeitung, il estime que Dominic Lüthard pourrait être condamné à une peine pécuniaire pouvant aller jusqu’à un million de francs au maximum. Une menace qui ne fait pas reculer l’intéressé. «J’ai consulté des avocats avant d’écrire ces lignes et je sais que je ne risque rien, affirme le nationaliste. Je ne retirerai donc pas mes propos de notre site tant qu’il n’y aura pas condamnation.» Le parti d’extrême droite, surtout actif en Suisse alémanique, n’en est pas à son coup d’essai. Plusieurs de ses adhérents – une centaine au total – ont déjà été condamnés pour des propos racistes. Lors de l’élection de Ricardo Lumengo (PS/BE) au Conseil national en 2007, la formation, qui veut «une homogénéité ethnique et culturelle du peuple», avait fustigé le fait qu’un Noir puisse représenter le pays.
jeudi 16 octobre 2008
Miss Suisse victime d'insultes racistes
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