jeudi 16 octobre 2008

Berne va serrer la vis aux criminels étrangers

mixremix peur de tout Le Conseil fédéral recommande de rejeter l’initiative de l’UDC pour le renvoi des délinquants étrangers. Mais il opposera un contre-projet au texte. Un article signé Serge Gumy dans 24 Heures.
L’initiative UDC pour l’ex­pulsion des criminels étrangers produit ses premiers effets. Hier, le Conseil fédéral a annoncé qu’il oppose­rait un contre-projet au texte lancé par le premier parti de Suisse. A vrai dire, il pouvait difficilement rester sans rien faire: plus de 210 000 signatures ont été déposées à Berne en mars dernier, alors que 100 000 suffi­saient à convoquer une votation fédérale!
Concrètement, les services d’Eveline Widmer-Schlumpf vont s’atteler à une révision de la loi fédérale sur les étrangers. Dans quelle direction le Département de justice et police travaillera­t- il? Trop tôt pour le dire, répond sa porte-parole Brigitte Hauser­Suess, qui indique simplement «que le contre-projet doit notam­ment permettre d’unifier la prati­que des cantons et de préciser les motifs de révocation en matière d’autorisations de séjour».
Une décision tactique

Longtemps, pourtant, les ad­versaires de l’UDC ont soutenu que la loi actuelle suffisait ample­ment à obtenir la mise à l’écart des délinquants étrangers. En ac­ceptant d’entrer en matière, le gouvernement donne-t-il raison sur le fond à l’UDC? Pas du tout, répond-on dans son entourage. D’ailleurs, le Conseil fédéral se serait prononcé à l’unanimité contre l’initiative. Selon lui, en effet, le texte ne répondrait à aucun problème majeur dans la pratique. En outre, si elle n’est pas contraire au droit internatio­nal public contraignant, elle pourrait entrer en conflit avec la Constitution fédérale, en exi­geant l’expulsion y compris des délinquants étrangers mineurs.
C’est plutôt pour des raisons tactiques que la ministre de la Justice Eveline Widmer­Schlumpf et ses six collègues ont opté pour un contre-projet. En clair, ils espèrent ainsi diminuer les chances de victoire en vota­tion de l’UDC. Une analyse que partage le vice-président de l’UDC suisse, Yvan Perrin: «Le but du Conseil fédéral n’est pas de faire une contre-proposition applicable, mais de faire échouer notre initiative. Tout le monde a très peur de cette votation, qui pourrait survenir à dix-huit mois des prochaines élections fédéra­les de 2011.»
Radicaux séduits

La manoeuvre tactique du Conseil fédéral plaît en tout cas beaucoup au Parti radical. «Le gouvernement peut maintenant aller vite en se ralliant au texte que nous avons déposé au parle­ment fédéral», claironne le conseiller national argovien Phi­lipp Müller. Lors de la dernière session, le PRD a livré sa solu­tion; il veut que les cantons non seulement puissent, mais doivent expulser les étrangers coupables de crimes graves. Pur suivisme? «Oui, l’UDC a raison et a agi plus vite que tout le monde. Et il faut agir: nous constatons que les atteintes graves à l’intégrité des gens sont en forte hausse», souli­gne Philipp Müller.
Cet argumentaire dépite le président du Parti socialiste suisse, Christian Levrat: «L’ini­tiative de l’UDC angoisse les autres partis de droite et le Conseil fédéral. Expulser les cri­minels étrangers, je suis pour, moi aussi. Mais la loi actuelle suffit.»

Ce que disent la loi actuelle, l’initiative UDC et le projet radical

En s’appuyant sur la loi fédé­rale sur les étrangers, les auto­rités peuvent aujourd’hui déjà décréter l’expulsion d’un délin­quant étranger «condamné à une peine privative de liberté de longue durée» ou qui «at­tente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre public en Suisse ou à l’étran­ger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou exté­rieure de la Suisse».
L’initiative de l’UDC baptisée «Pour le renvoi des étrangers criminels» veut pour sa part inscrire dans la Constitution fédérale l’obligation d’expulser automatiquement du territoire suisse les étrangers condamnés pour meurtre, viol ou tout autre délit sexuel grave, bri­gandage, effraction, trafic de drogue ou traite des êtres humains. Pour l’UDC, les abus de l’aide sociale justifient elles aussi le retrait d’une autorisa­tion de séjour.
Enfin, dans une initiative parlementaire signée du conseiller national Philipp Müller, le Parti radical suisse propose de serrer la vis non pas dans la Constitution fédé­rale, mais via la loi sur les étrangers. Les cantons auraient le devoir, et plus seulement la possibilité, de refouler les criminels non suisses. La liste détaillée des délits graves pouvant conduire à une expul­sion ne comprend toutefois pas les abus de l’aide sociale. S. G.

Sur le même sujet, lire l'article de Valérie de Graffenried dans le Temps.


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