Le Conseil fédéral recommande de rejeter l’initiative de l’UDC pour le renvoi des délinquants étrangers. Mais il opposera un contre-projet au texte. Un article signé Serge Gumy dans 24 Heures.
L’initiative UDC pour l’expulsion des criminels étrangers produit ses premiers effets. Hier, le Conseil fédéral a annoncé qu’il opposerait un contre-projet au texte lancé par le premier parti de Suisse. A vrai dire, il pouvait difficilement rester sans rien faire: plus de 210 000 signatures ont été déposées à Berne en mars dernier, alors que 100 000 suffisaient à convoquer une votation fédérale!
Concrètement, les services d’Eveline Widmer-Schlumpf vont s’atteler à une révision de la loi fédérale sur les étrangers. Dans quelle direction le Département de justice et police travaillerat- il? Trop tôt pour le dire, répond sa porte-parole Brigitte HauserSuess, qui indique simplement «que le contre-projet doit notamment permettre d’unifier la pratique des cantons et de préciser les motifs de révocation en matière d’autorisations de séjour».
Une décision tactique
Longtemps, pourtant, les adversaires de l’UDC ont soutenu que la loi actuelle suffisait amplement à obtenir la mise à l’écart des délinquants étrangers. En acceptant d’entrer en matière, le gouvernement donne-t-il raison sur le fond à l’UDC? Pas du tout, répond-on dans son entourage. D’ailleurs, le Conseil fédéral se serait prononcé à l’unanimité contre l’initiative. Selon lui, en effet, le texte ne répondrait à aucun problème majeur dans la pratique. En outre, si elle n’est pas contraire au droit international public contraignant, elle pourrait entrer en conflit avec la Constitution fédérale, en exigeant l’expulsion y compris des délinquants étrangers mineurs.
C’est plutôt pour des raisons tactiques que la ministre de la Justice Eveline WidmerSchlumpf et ses six collègues ont opté pour un contre-projet. En clair, ils espèrent ainsi diminuer les chances de victoire en votation de l’UDC. Une analyse que partage le vice-président de l’UDC suisse, Yvan Perrin: «Le but du Conseil fédéral n’est pas de faire une contre-proposition applicable, mais de faire échouer notre initiative. Tout le monde a très peur de cette votation, qui pourrait survenir à dix-huit mois des prochaines élections fédérales de 2011.»
Radicaux séduits
La manoeuvre tactique du Conseil fédéral plaît en tout cas beaucoup au Parti radical. «Le gouvernement peut maintenant aller vite en se ralliant au texte que nous avons déposé au parlement fédéral», claironne le conseiller national argovien Philipp Müller. Lors de la dernière session, le PRD a livré sa solution; il veut que les cantons non seulement puissent, mais doivent expulser les étrangers coupables de crimes graves. Pur suivisme? «Oui, l’UDC a raison et a agi plus vite que tout le monde. Et il faut agir: nous constatons que les atteintes graves à l’intégrité des gens sont en forte hausse», souligne Philipp Müller.
Cet argumentaire dépite le président du Parti socialiste suisse, Christian Levrat: «L’initiative de l’UDC angoisse les autres partis de droite et le Conseil fédéral. Expulser les criminels étrangers, je suis pour, moi aussi. Mais la loi actuelle suffit.»
Ce que disent la loi actuelle, l’initiative UDC et le projet radical
En s’appuyant sur la loi fédérale sur les étrangers, les autorités peuvent aujourd’hui déjà décréter l’expulsion d’un délinquant étranger «condamné à une peine privative de liberté de longue durée» ou qui «attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre public en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse».
L’initiative de l’UDC baptisée «Pour le renvoi des étrangers criminels» veut pour sa part inscrire dans la Constitution fédérale l’obligation d’expulser automatiquement du territoire suisse les étrangers condamnés pour meurtre, viol ou tout autre délit sexuel grave, brigandage, effraction, trafic de drogue ou traite des êtres humains. Pour l’UDC, les abus de l’aide sociale justifient elles aussi le retrait d’une autorisation de séjour.
Enfin, dans une initiative parlementaire signée du conseiller national Philipp Müller, le Parti radical suisse propose de serrer la vis non pas dans la Constitution fédérale, mais via la loi sur les étrangers. Les cantons auraient le devoir, et plus seulement la possibilité, de refouler les criminels non suisses. La liste détaillée des délits graves pouvant conduire à une expulsion ne comprend toutefois pas les abus de l’aide sociale. S. G.
Sur le même sujet, lire l'article de Valérie de Graffenried dans le Temps.
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