Immigration : les limites de la logique sécuritaire, par Thomas Ferenczi
Il est vrai qu'il n'est pas facile d'expliquer en quoi le pacte sur l'immigration et l'asile, l'une des principales contributions de la présidence française, innove vraiment par rapport aux nombreux documents adoptés précédemment par les Vingt-Sept sur les mêmes sujets. Les cinq volets de la politique consignée par ce pacte - l'organisation de l'immigration légale, la lutte contre l'immigration clandestine, le renforcement des frontières extérieures, la mise en place d'un régime commun d'asile, le développement d'un partenariat avec les pays tiers - figurent déjà dans le programme de La Haye, approuvé en 2004 par les chefs d'Etat et de gouvernement, sous présidence néerlandaise, puis dans les conclusions du Conseil européen de décembre 2006, sous présidence finlandaise.
Ces orientations sont également présentes dans de multiples textes de la Commission et dans plusieurs directives adoptées ces dernières années. Sans doute n'est-il pas inutile que les Etats membres rappellent de temps en temps les engagements auxquels ils ont souscrit et affirment solennellement leur volonté de les mettre en oeuvre. Sans doute aussi, d'une déclaration à l'autre, les objectifs sont-ils précisés et les moyens de les atteindre redéfinis. Les Vingt-Sept ont promis en particulier, à la demande de la France, de renoncer aux régularisations massives pour s'en tenir à des régularisations au cas par cas. Il reste que, pour l'essentiel, comme le note la Cimade, association spécialisée dans la défense des migrants et des demandeurs d'asile, le pacte s'inscrit dans la continuité des politiques actuelles.
Deux chercheurs d'un cercle de réflexion bruxellois, le Centre for European Policy Studies (CEPS), Sergio Carrera et Elspeth Guild, jugent "discutable" la valeur ajoutée du pacte, compte tenu des législations existantes. Ils estiment qu'il n'apporte pas grand-chose de neuf et qu'il risque même d'affaiblir les possibilités d'une politique commune.
Selon Sergio Carrera et Elspeth Guild, en effet, le document renforce les prérogatives des Etats membres plutôt que celles de l'Union. Il souligne notamment qu'"il revient à chaque Etat membre de décider des conditions d'admission sur son territoire des migrants légaux et de fixer, le cas échéant, leur nombre". Pour les deux auteurs, cette disposition est en recul par rapport aux traités, qui font des conditions d'entrée et de séjour une compétence partagée.
Sur le fond, même si M. Hortefeux prétend éviter le double écueil de "l'Europe- forteresse" et de "l'Europe-passoire", la balance penche plutôt du côté de la première que de la seconde. L'Association européenne pour la défense des droits de l'homme (AEDH) n'a pas tort de s'inquiéter de l'orientation "sécuritaire" de l'Union en matière d'immigration et d'asile. Cette logique n'est pas près de changer. On peut douter qu'elle soit à la hauteur des enjeux.
Courriel : ferenczi@lemonde.fr.
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