J’ai le sentiment que le canton est confronté à d’autres problèmes de sécurité que la mendicité PHILIPPE LEUBA
Interdire et sanctionner les mendiants: au Grand Conseil, une commission a accepté de renvoyer au gouvernement la proposition du radical Olivier Feller.
Le conseiller d’Etat libéral juge le projet inapplicable et en appelle au respect de l’autonomie communale.
Un article de Mehdi-Stéphane Prin dans 24 Heures.
La mendicité n’a pas fini de mettre en ébullition le Grand Conseil. Après avoir refusé ce printemps la demande UDC d’un rapport sur le sujet, une commission vient d’accepter une proposition radicale d’interdire de faire la manche. Le plus surpris de ce retournement de tendance est certainement le conseiller d’Etat Philippe Leuba. Le chef du Département de l’intérieur ne veut pas entendre parler d’une loi cantonale menaçant les mendiants de 90 jours-amendes.
Situation inégale dans le canton
Pour une petite voix, une commission a, en effet, décidé de recommander le renvoi de la motion du radical Olivier Feller au gouvernement. Si le législatif confirme prochainement cette position, Philippe Leuba sera alors obligé de présenter un projet pour mettre à l’amende les mendiants. Le magistrat libéral a bien l’intention de se battre contre cette perspective. «Même si je ne veux pas en faire l’affaire de la législature, ce n’est pas au canton de légiférer sur une interdiction de la mendicité. Il s’agit d’une affaire communale. Sinon, autant tout centraliser. Les mendiants ne posent tout de même pas les mêmes problèmes à Lausanne, à Renens ou à Goumoens- le-Jux.» Sur le fond, l’idée de criminaliser la mendicité ne trouve pas non plus grâce aux yeux de Philippe Leuba. «J’ai le sentiment que le canton est confronté à d’autres problèmes de sécurité que celui-ci. Si nous interdisons, il faudra bien prévoir une sanction pour les contrevenants. Comme ils n’auront pas d’argent pour payer une amende, faut-il ensuite les envoyer en prison?» Bref, le libéral estime une interdiction inapplicable dans la pratique.
Précédent libéral genevois
«Le but de ma proposition est d’enlever l’intérêt à mendier dans le canton, réplique Olivier Feller. J’ai opté pour une solution efficace, et l’argument de l’autonomie des communes est un faux problème. La Confédération édicte bien des interdictions générales pour tout le pays.» En outre, le député radical se défend de chasser sur les terres de l’UDC. «A Genève, c’est un libéral, Christian Lüscher, qui a défendu et obtenu l’interdiction de la mendicité.» L’argument amuse le président du groupe libéral au Grand Conseil, Jean-Marie Surer: «Ce combat a même permis à Christian Lüscher de se faire un nom pour son élection au Conseil national.» En février dernier, lorsqu’il a déposé sa motion, Olivier Feller était encore en pleine course pour la présidence des radicaux vaudois. Pour le député socialiste et membre de la commission, Roger Saugy, l’interdiction de la mendicité s’explique surtout par la volonté de plaire aux électeurs. «Mes petits camarades du centredroite ne savent plus comment réagir face au populisme de l’UDC. Cette tendance à la surenchère existe partout, même chez certains socialistes. Je sens également un grand malaise des députés face aux mendiants. Leur image nous gène et nous voudrions la dissimuler. Sincèrement, une interdiction ne va pas résoudre ce problème de société. Nous allons peut-être avoir plus de musiciens de rue…»
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