Pour Tamer Aboalenin, correspondant en Suisse d’Al Jazeera, l’initiative populaire «contre la construction de minarets» ne provoquera pas les mêmes réactions violentes que la publication des caricatures de Mahomet au Danemark.
En Suisse depuis vingt ans, il relaie toutefois le malaise que provoque ce texte dans le monde musulm an. Un article signé Romain Clivaz, pour 24 Heures.
– Le gouvernement s’oppose à l’initiative visant à interdire la construction de minarets. Cette position était-elle attendue dans le monde musulman?
– Oui. La Suisse y est considérée comme un excellent exemple de respect des droits de l’homme et des minorités. A cela s’ajoute sa caractéristique multiculturelle. Sa neutralité est également appréciée. On n’aurait donc pas compris que son gouvernement accepte une telle proposition. Cela d’autant plus que votre pays défend ces principes sur la scène internationale. A cela s’ajoute qu’ôter un droit uniquement aux musulmans serait perçu comme une injustice. Le gouvernement a donc fait ce qu’on attendait de lui.
– Le texte est-il connu?
– Bien sûr!
– Y a-t-il d’autres exemples comparables en Europe?
– Non. Les partis d’extrême droite d’autres pays n’ont pas eu l’idée d’interdire la construction de minarets. On est donc d’autant plus étonné que cela vienne de la Suisse.
– Justement, comment cette initiative est-elle concrètement perçue?
– Il n’y a pas eu de réactions directes de la part de gouvernements. Mais l’initiative a préoccupé l’Organisation de la Conférence Islamique. En fin d’année dernière, cette dernière a demandé des explications au gouvernement suisse, à l’occasion d’une réunion en Arabie saoudite. Ces explications, convaincantes, ont permis aux participants de bien comprendre le système politique suisse, les mécanismes de la démocratie directe, ainsi que l’origine non gouvernementale du texte.
– Fait-on la différence entre la position du gouvernement et une proposition émanant d’un groupe de citoyens?
– Au début, les choses n’étaient pas claires. Mais maintenant oui. Par contre, les propos outranciers de certains élus, qui considèrent l’islam comme «une déclaration de guerre», et non une religion, brouillent le message des autorités.
– Le gouvernement veut aller vite. Notamment pour éviter des dégâts d’image. Avez-vous remarqué de tels dégâts?
– Oui. Beaucoup de personnes expriment leur déception que l’idée vienne de Suisse. Mais il y a aussi des réactions positives. Par exemple, lorsque les gens se rendent comptent qu’une majorité des partis politiques est opposée à l’initiative. Ou encore lorsque le président du PDC, Christophe Darbellay, a clairement pris position contre le texte, accusant les initiants non pas de vouloir interdire les minarets, mais tous les lieux de culte musulman.
– Un oui aurait-il un coût économique?
– Certainement. Cela ne serait pas bon pour le tourisme, l’horlogerie ou encore les écoles privées.
– Les débats de votations sont souvent virulents, voire caricaturaux. Une nouvelle «affaire des caricatures» de Mahomet, avec son lot de violences, est-elle à craindre?
– Les deux situations ne sont pas comparables. Dans l’affaire des caricatures, c’était une attaque directe contre notre religion et la personnalité du Prophète. Cette initiative touche certes aux droits des musulmans. Mais pas au coeur de leur religion. Quant aux intérêts suisses à l’étranger, ils ne sont pas menacés.
– La fille de Muammar Kadhafi a présenté l’arrestation de son frère à Genève comme symbolique du mauvais traitement réservé aux musulmans. N’y a-t-il pas un risque que l’on utilise cette initiative pour mettre la Suisse sous pression?
– On ne peut pas exclure qu’il y ait une instrumentalisation, comme dans le cas de la Libye. Mais il n’y a eu aucune réaction de solidarité en faveur de la Libye. Cela a plutôt été perçu comme une simple application de règles de l’Etat de droit suisse face à un comportement inapproprié. Et non comme quelque chose d’anti-musulman.
jeudi 28 août 2008
«Ce n’est pas comparable à l’affaire des caricatures»
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