mardi 11 décembre 2007

Le quotidien des requérants filmé au centre d’enregistrement

Le cinéaste Fernand Melgar et son équipe tournent au centre d’accueil des requérants d’asile. «Nous ne sommes pas venus ici en voyeurs, nous allons saisir la réalité telle qu’elle se présente» dit-il. Moteur! Un article de Pierre Blanchard dans 24 Heures.

L’équipe de Fernand Melgar (g.) a fixé la réalité
du quotidien sans artifice. Elle a pris ces quartiers
dans l’ancienne cimenterie au lieu-dit Les Fours
à Chaux. L’histoire dit que le ciment de Vallorbe
a servi à la construction du Palais fédéral.
Cette anecdote a donné l’envie au cinéaste
de voir son film cimenter la population
autour de la question de l’asile.
VALLORBE, LE 5 DÉCEMBRE 2007
JOANA ABRIEL

Filmer sans angélisme et sans stigmatisation la réalité au quotidien des demandeurs d’asile et saisir les motivations au travail du per­sonnel chargé de leur accueil, tels sont les objectifs du ci­néaste Fernand Melgar.
Avec son équipe composée d’un cameraman, Camille Cot­tagnoud, d’un preneur de son, Marc von Stürler, et d’une assis­tante, Alice Sala, ethnologue de formation, il s’est plongé dans l’ambiance de Centre d’enregis­trement et de procédure (CEP), depuis le lundi 3 décembre à 4 heures du matin.
«Nous ne sommes pas venus ici en voyeurs, nous allons saisir la réalité telle qu’elle se pré­sente, sans commentaires, sans interview, ni musique. Pendant 60 jours, durée moyenne ac­tuelle d’un séjour au CEP pour un demandeur d’asile, nous al­lons capter des moments de vie avec le consentement des per­sonnes concernées. Aucun vi­sage ne sera «flouté». Derrière chaque trajectoire de deman­deur d’asile se cache une tragé­die humaine, les «tricheurs» sont une petite minorité. Mais si pendant notre séjour nous en
croisons nous le montrerons sans complaisance. Nous ne vo­lerons aucune image à la déro­bée », commente Fernand Mel­gar.
Ancien clandestin

Ce cinéaste vaudois est fils d’immigré espagnol et, dans
son enfance, a vécu une période de clandestinité dans notre pays. «Mes parents ont été trau­matisés par les initiatives Schwarzenbach dans les années 1970. Aujourd’hui, une bonne frange de la population tend à diaboliser les requérants d’asile. Sans militantisme, ni popu­lisme, j’ai simplement envie de montrer avec objectivité le vécu de ces personnes qui viennent en Suisse pour sauver leur vie ou dans l’espoir d’une existence plus digne. Ma caméra s’arrê­tera également sur l’humanité dont font preuve les gens qui accueillent les requérants, tout en appliquant une loi et des règlements très restrictifs.» «Pour définir le CEP, j’ai repris la métaphore de l’aumônier, le pasteur Pierre-Olivier Heller: «Cette maison est semblable à une forteresse. Il est très diffi­cile d’y pénétrer. Par contre, depuis l’intérieur tout est fait pour en faciliter la sortie. Le titre de mon film sera La forte­resse».

Une autorisation exceptionnelle
Les autorisations accordées aux médias pour saisir la réalité du centre ne sont pas faciles à obtenir. L’aval pour un tour­nage de deux mois accordé à l’équipe de Fernand Melgar par l’Office fédéral des migrations est exceptionnel, c’est une pre­mière.
Le film est produit par l’asso­ciation Climage qui réunit des réalisateurs indépendants et dont Fernand Melgar est un des membres. Le budget est mo­deste pour un documentaire. La réalisation bénéficie du sou­tien de l’Office fédéral de la culture de la SSR, qui diffusera le film sur ses trois chaînes de télévision l’an prochain. Un ac­cord est sur le point d’être signé avec la chaîne euro­péenne
Arte.
Six mois de démarches

L’idée du film a été suggérée à Fernand Melgar par Stéphane Goël, un ami membre de Cli­mage. Il a visité la bâtisse en compagnie d’Hélène Küng, alors aumônier au CEP. «Il m’a fallu six mois de démarches pour convaincre tous les parte­naires. Plus du 50% du person­nel du centre a accepté de jouer le jeu. Cela est très réjouissant. Nous aurions aimé loger dans le bâtiment, mais cela n’a pas été possible. Nous avons alors trouvé un appartement dans l’ancienne cimenterie située au lieu-dit les Fours à Chaux», précise Fernand Melgar.

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