mercredi 5 décembre 2007

Le Taser, une arme "choquante"

Daniel Bolomey, secrétaire général de la section suisse d'Amnesty International est l'invité de la rubrique Réflexions de 24 Heures: «Les partisans des Taser affirment que le risque d’une issue fatale est moins grand qu’avec une arme à feu.L’argument fait froid dans le dos»

Ironie du sort, c’est le 10 dé­cembre, Journée internatio­nale des droits humains, que le Conseil des Etats déci­dera d’autoriser ou non l’usage des armes paralysantes à élec­trochocs – les fameux Tasers – dans le cadre des mesures de contrainte lors de l’expulsion d’étrangers. Le Conseil national, lui, s’est déjà prononcé en fa­veur de l’utilisation de ces ar­mes qui permettent, à coups de décharges électriques pouvant atteindre 50 000 volts, d’immo­biliser des individus récalci­trants, malheureusement par­fois au péril de leur vie.
Un seul exemple: le 14 octo­bre, un immigrant polonais de 39 ans a été maîtrisé par un Taser après avoir attendu du­rant des heures à l’aéroport de Vancouver. Selon une vidéo tournée par un témoin, l’homme, très agité, a renversé des chaises et jeté un ordinateur à terre avant d’être terrassé par deux décharges électriques. Il est décédé quelques instants après. Si dans ce cas précis, le lien direct entre le décès et le Taser n’a pas été formellement établi, ce cas démontre à l’envi que cette arme peut facilement être utilisée de manière totale­ment disproportionnée. Ce n’est là qu’un cas récent mais ô com­bien caricatural de la dangero­sité des Tasers parmi les près de 300 décès recensés par Amnesty International entre juin 2001 et novembre 2007 aux Etats-Unis
et au Canada. Les armes de type Taser, présentées par leur fabri­cant comme non létales, ne sont pas des armes banales. Leur usage doit être proportionnel à la menace qu’elles sont censées devoir écarter et devrait donc être réservé aux situations dans lesquelles les forces de l’ordre seraient légitimées à utiliser des armes à feu.
L’argument central des parti­sans des Tasers dans le cadre d’expulsion d’étrangers est d’af­firmer que le risque d’une issue fatale est moins grand qu’avec une arme à feu. L’argument fait froid dans le dos. Il signifie, a
contrario, que si les Tasers n’existaient pas, on devrait auto­riser l’usage des armes à feu! Parlons-nous ici de lutte contre le grand banditisme ou contre le terrorisme, ou simplement de l’exécution de décisions, le plus souvent administratives, d’ex­pulsion du territoire? Est-il vrai­ment nécessaire d’utiliser des armes potentiellement mortel­les contre des personnes – même récalcitrantes – dont le seul «délit» est d’avoir séjourné illégalement en Suisse? La plu­part d’entre elles sont des per­sonnes déjà placées en déten­tion, désarmées et, la plupart du temps, menottées et ne présen­tant pas un grand danger, pour elles-mêmes ou pour autrui.
André Duvillard, chef de la police Neuchâteloise
Même certains chefs de police s’opposent fermement à l’intro­duction du Taser dans leur arse­nal. Une attitude confortée par la déclaration récente du Co­mité des Nations Unies contre la torture: «L’utilisation du Ta­ser, arme qui provoque une dou­leur extrême et constitue une forme de torture, peut même dans certains cas provoquer la mort.» Il ne reste plus qu’à espérer que cette journée anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme ait une in­fluence bénéfique sur les débats de la Chambre des cantons. Les sénateurs et sénatrices ont l’obligation morale de s’opposer à l’introduction des Tasers dans la loi.


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