lundi 15 octobre 2007

Renvoyer les étrangers criminels est déjà possible

L’Union démocratique du centre présente aujourd’hui l’état d’avancement de son initiative pour l’expulsion des étrangers délinquants. Pourtant, cette mesure est déjà permise. Bilan de la situation.


Renvoyer un étranger sur la base d’un délit?
Aujourd’hui, la loi le permet. L’UDC voudrait rendre
cette mesure obligatoire.
KEYSTONE


A quelques jours du scrutin électo­ral, l’UDC remet la compresse. Aujourd’hui, à Berne, le parti pré­sente le nombre de signatures qu’il a déjà récoltées pour son initiative sur le renvoi des étran­gers criminels. Qu’apporte de plus ce texte, alors que loi actuelle le permet déjà? Etat des lieux en huit points.
LOIS Actuellement, la loi per­met de renvoyer un étranger sur la base d’un délit. La nouvelle loi sur les étrangers (LEtr) qui entre en vigueur au 1er janvier 2008 ne changera rien, sur ce point, à la situation. Un tel renvoi restera donc possible. Possible? «Oui, la loi permet de renvoyer un étranger délinquant, mais n’oblige pas», souligne Jonas Montani, porte-pa­role l’Office fédéral de la migra­tion. Une précision qui prend tout son sens quand on apprend que l’UDC veut obliger les expulsions. Reste que cette contrainte n’est pas clairement explicitée dans son ini­tiative, estiment certains juristes.
QUI EST VISÉ? Tant la loi actuelle que la LEtr s’appliquent à tous les étrangers établis en Suisse. Du requérant d’asile au permis C. L’UDC ne revient pas sur ce point.
MOTIFS D’EXPULSION L’expul­sion d’un étranger est décidée sur la base de la gravité du délit commis. Dans la loi actuelle, comme dans la LEtr, on précise les motifs de renvoi: notamment une atteinte très grave à la sécu­rité et l’ordre public, ainsi que la mise en danger ou la menace pour la sécurité intérieure ou exté­rieure de la Suisse. C’est sur ces motifs que l’UDC veut frapper. Elle en rajoute tout une série et met sur un pied d’égalité les con­damnations pour viol, meurtre, effraction, brigandage et abus des assurances sociales ou de l’aide sociale.
CONSÉQUENCES Pour un re­quérant d’asile, un délit grave pré­cipite la procédure de demande de permis et se solde générale­ment par un refus. Pour les déten­teurs étrangers de permis valable un an, un tel acte peut empêcher le renouvellement annuel. Seuls les possesseurs d’un permis C ont la possibilité de faire recours au Tribunal fédéral. L’UDC ne revient pas sur ce principe dans son texte.
QUI DÉCIDE DU RENVOI? «Ce sont les autorités cantonales qui doivent apprécier la gravité du délit et décider d’un renvoi», ex­plique Jonas Montani. Motus en­core de l’UDC sur ce point.
RENVOIS TOUJOURS POSSI­BLES?
«En principe oui, répond Jonas Montani, mais il y a certai­nes barrières. Par exemple, la Con­vention européenne des droits de l’homme et celle de Genève, qui concerne les réfugiés. De même, si l’étranger risque sa vie dans son pays de provenance ou si ce der­nier refuse de le réadmettre, l’ex­pulsion s’avère compliquée, voire impossible.» Difficile de savoir combien d’étrangers ont effective­ment été renvoyés. Aucune statis­tique précise n’existe. De son côté, l’UDC n’évoque pas, dans son ini­tiative, l’épineux problème de l’ap­plication des renvois.
RETOUR EN SUISSE Revenir est possible sous certains délais qui dépendent de la gravité du délit commis. Dans tous les cas, les étrangers doivent faire une demande aux autorités. Là encore, c’est une question d’appréciation. L’UDC veut fixer ce droit de retour entre cinq et quinze ans. Et, en cas de récidive, une interdiction de rentrer sur le territoire fixée à vingt ans.
DROIT INTERNATIONAL Tant la loi actuelle que la LEtr sont jugées sévères ou du moins res­trictives par la communauté inter­nationale. Le projet de l’UDC ris­que carrément de se trouver en porte-à- faux avec le droit interna­tional, non seulement pour les motifs de renvoi, mais aussi à cause du principe d’obligation d’expulsion. Résultat: le texte ris­que d’être inapplicable.

Article signé Nadine Haltiner dans 24 Heures

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