lundi 15 octobre 2007

La Cité de l’immigration, le musée parisien qui dérange le pouvoir

La Cité nationale de l’histoire de l’immigration ouvre sur fond de polémiques.

La Cité nationale de l’histoire de l’immigration
a ouvert ses portes la semaine passée. Jusqu’ici, le gouvernement
cultive un mutisme gêné à l’égard de l’institution.
Chirac, lui, s’est fait un plaisir de visiter les lieux.


C’est le dernier lieu où l’on s’affi­che. Lieu de rendez-vous de ceux qui n’acceptent pas pour argent comptant la politique d’immigra­tion de Nicolas Sarkozy. Dans la grande salle en équerre de la toute nouvelle Cité nationale de l’histoire de l’immigration, toute la gauche a défilé mercredi. Jeudi a vu se bousculer les chercheurs. Jacques Chirac fera le déplace­ment cette semaine. Et le gouver­nement? Jusque-là le mutisme est assourdissant. Il y aura bien, a assuré son porte-parole, une inauguration officielle. Un jour.
«La France est le seul pays, avec les Etats-Unis, dont l’immi­gration a forgé l’identité natio­nale », affirme l’ancien ministre chiraquien Jacques Toubon, en guidant ses visiteurs à travers l’institution qu’il préside. Le dé­cor est dépaysant. Mélange de hasard et de nécessité, la Cité s’est installée au Palais de la Porte Dorée, l’ancien Musée des Colo­nies!
Il faut donc un peu de jugeote pour faire la part des choses entre présent et passé. D’un côté le contenant: la façade, gigantesque bas-relief de 1930 figurant les richesses que les colonies ramè­nent à la «mère patrie», et le salon où le maréchal Lyautey pilota la fameuse Exposition colo­niale de 1931. De l’autre, la toute fraîche exposition permanente retraçant le parcours des immi­grés, leur installation, leur destin. La richesse de l’apport migra­toire: c’est bien le message de la Cité, qui ne «colle» pas vraiment avec les projets de loi du gouver­nement, visant précisément à ré­duire l’immigration, surtout fa­miliale. Quand, au printemps dernier, Sarkozy prévoit la créa­tion d’un Ministère de «l’immi­gration et de l’identité natio­nale », huit historiens démission­nent du conseil scientifique de la Cité, pour protester contre cette association et son sens sous­jacent: la politique migratoire doit se conduire en fonction d’une supposée «identité» fran­çaise. Comme si celle-ci demeu­rait invariable.
Hier comme aujourd’hui
«Certains cherchent à opposer les immigrations d’hier, préten­dument faciles à intégrer, et celles d’aujourd’hui. En fait, elles ont de nombreux points communs», es­time l’historien Gérard Noiriel. En témoignent certains épisodes présentés par l’exposition. L’ac­cueil des migrants s’est rarement fait sans heurts. En 1893, des travailleurs français attaquent des Italiens à Aigues-Mortes, on comptera des dizaines de morts. Le parcours est déjà jalonné d’obstacles. «Les immigrés ont toujours fait les frais des nou­veautés identitaires, note Gérard Noiriel: hier la carte d’identité, puis les empreintes digitales, aujourd’hui les tests ADN.»

Un article signé Mathieu van Berchem pour 24 Heures

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