dimanche 7 octobre 2007

Raciste le mouton noir ?

Lire l'article de Camille Kraft dans Le Matin


La bête noire affichée par l'UDC n'est pas un moutonà cinq pattes. Désormais copiée et détournée sur tous les tons, elle n'a pas attendu cette campagne pour s'afficher. Y compris chez des antixénophobes, comme ce fut le cas du Centre pour l'action non violente de Lausanne. Sa connotation raciste dépend du contexte. Tour d'horizon des détournements laineux

En 2004, le Centre pour l'action non violente de Lausanne mettait en scène un mouton noir incivil et agressif envers ses pairs blancs. Racisme sous-j

Impossible en ce moment d'éviter son regard sombre, dans la rue, sur la Toile, ou au gré des pages de journaux. En quelques semaines, le mouton noir affiché par l'UDC est devenu star, repris, copié et détourné.

Le voilà qui gambade pour la Protection suisse des animaux et pour l'extrême droite allemande (NPD). Dans le premier exemple, il incarne les parlementaires frileux en matière de protection des bêtes. Dans le second, comme pour l'UDC, la connotation raciste semble évidente aux yeux des opposants à ces deux partis. Mais l'est-elle vraiment?

Question de contexte

Car dans ce cas, que penser de cette brochure éditée en 2004 par le Centre pour l'action non violente de Lausanne, et qui met en scène un mouton noir incivil et odieux avec ses pairs blancs? L'ancien Centre Martin Luther King, qui prétend lutter contre la xénophobie, ferait-il preuve de racisme? «Mais non!» argue Sandrine Bavaud, candidate Verte au Conseil national et ancienne responsable de l'institution. «Le mouton pourrait être jaune ou bleu, cela ne changerait rien. Il s'agit de pointer des différences de comportement. Par contre, lorsqu'on connaît le discours de l'UDC, la connotation raciste est flagrante.»

Car tout est question de contexte, bien évidemment. C'est ce que rappelle Gilles Lugrin, maître assistant à l'Université de Lausanne, spécialisé dans l'analyse de publicité. «L'expression «être le mouton noir» ne renvoie pas de facto au racisme. Les connotations racistes n'existent pas en soi dans la langue: c'est notre société qui les crée», explique le linguiste. Ainsi donc, «c'est le contexte politique sensible des renvois qui rend la campagne de l'UDC contestable.

Elle est en effet manipulatrice, parce qu'elle fait un amalgame que l'on peut résumer ainsi: «étranger=noir=criminel.» Résultat: au lieu de s'enrichir, le débat politique se sclérose autour du noir et blanc des moutons. A quand une bonne tonte pour rafraîchir les esprits?

Variations sur un mouton


Le contexte dans lequel s’inscrit le «mouton noir» a une importance primordiale, selon Gilles Lugrin: «C’est le contexte politique sensible des renvois qui rend la campagne de l’UDC contestable. Elle prend ici une teneur raciste qui dessert le débat politique. Cette campagne est en effet manipulatrice, parce qu’elle fait un amalgame que l’on peut résumer ainsi: «étranger=noir=criminel».

Les femmes radicales ont été parmi les premières à réagir à la campagne de l’UDC, en se détachant du mouton et «en explicitant l’équation étranger=noir=criminel», rappelle Gilles Lugrin. «Certes, il inverse l’image du Noir en montrant des valeurs positives. Mais une position sainement non raciste est de considérer le Noir comme l’égal du Blanc, sans colporter de différences raciales. En d’autres termes, tous les Noirs n’ont pas un corps sculpté.»

Le mouton noir de l’UDC a fait des petits jusqu’en Allemagne, où le parti d’extrême droite NPD déclarait il y a peu «s’être inspiré» de la campagne suisse. Selon Gilles Lugrin, cette récupération n’est «pas surprenante» et «révèle bien la potentialité raciste de l’affiche».

Dernier mouton noir en date: la Protection suisse des animaux est allée jusqu’à acheter ses moutons au même designer anglais que l’UDC. L’idée est ici de dénoncer les «brebis galeuses» du Parlement qui ne se préoccupent pas de la défense des animaux. Les députés UDC sont particulièrement visés. Mais Gilles Lugrin met en garde: «Tous les détournements et parodies ne font que réinjecter l’original et lui donner plus d’impact.»

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