jeudi 18 octobre 2007

La Suisse vue du campus

A l'exact opposé de l'isolationisme proposé par l'UDC, cet article du Temps donne la parole aux étudiants de Lausanne

...Soudain, sans que le journaliste ne l'ait évoqué, la question des étrangers déboule. Sous un autre jour que les affiches collées en ville, là-bas, au bout du métro. «Les politiciens écrivent les lois sur les étrangers en ne pensant qu'aux dealers. Ils ne comprennent pas ce qui se passe ici», condamne Antonin Danalet.

Voici Maya Shevlyakova, venue de Russie. Une tête. Elle raconte avoir gagné l'EPFL pour faire son deuxième master. «Je finirai fin février, et si je ne trouve rien, je devrai partir le lendemain de la défense de mon projet. La remise des diplômes aura lieu en octobre, il faudra que je revienne comme touriste... Les entreprises hésitent quand on n'est pas de l'Union européenne. En Russie, le diplôme n'apporte pas beaucoup d'avantages. Et puis, je me plais ici, même si c'est dur. Il y a peu d'aide pour l'intégration.»

Luc Genton fulmine: «On forme des ingénieurs pour leur donner un coup de pied au cul vers la sortie? Autant jeter l'argent par les fenêtres!». A l'Uni voisine, Benoît Gaillard renchérit: «La manière dont on restreint la naturalisation, c'est fou, ça n'incite pas les gens. Et là, on parle aussi des hautes écoles, de professeurs qui voudraient venir durablement...»

Caprices d'un pays «nombriliste», juge Daniela Cerqui. Elle renvoie dos à dos les camps en présence: «Sur l'immigration, qu'il s'agisse de l'UDC voulant fermer les frontières, ou de Micheline Calmy-Rey qui évoque une terre d'asile, on part de la vision d'une Suisse comme eldorado. La conception d'un pays où tout le monde veut venir... Et l'on oublie les enjeux à long terme, ceux liés à l'environnement, notamment.»

En bachelor HEC, Marie Rumignani, qui a beaucoup voyagé en famille, décrit une Suisse «statique, qui n'avance pas sur l'ouverture à l'Europe, qui ne donne pas envie de s'investir». Nicolas Turtschi nuance - «il y a un bon service public» -, mais évoque un «découragement, on n'a pas le sentiment qu'on peut avoir une influence, on est toujours dans une logique de restrictions». Débat.

Elodie Biermann: «Ça ne va pas si mal, les gens sont assez écoutés, on se sent relativement acteur en matière politique. Mais on n'est pas à l'abri d'une surprise, due à un nationalisme grandissant...»

Benoît Gaillard: «Tout va bien dans le pays, mais rien n'avance. La machine tourne, mais on ne songe pas à en faire une autre.»

Nicolas Turtschi: «Ça ne va pas si bien, on est sur une pente descendante, avec une solidarité sociale qui décline, regarde l'assurance maladie...»

Benoît Gaillard: «Disons que l'insécurité sociale et financière des gens baisse, mais si tu tombes, il y a toujours moins de filets.»

La discussion s'achève. On va suivre un cours. Il y a quelques semaines, un débat public consacré aux enjeux des élections a attiré un peu moins de 80 personnes. Les organisateurs jugent «pouvoir être contents». Deux mondes.

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