«Si ce citoyen suisse a abusé d'une jeune fille de 13 ans, n'est-ce pas en raison de sa culture helvétique?» pourrait s'interroger un journal cambodgien, à propos d'un fait divers sordide survenu ces derniers jours au Cambodge. En réalité, c'est en Romandie qu'on se pose ce genre de question. Au sujet du viol tragique d'une enfant de 5 ans par deux jeunes Kosovars de 11 et 13 ans, Michel Danthe, rédacteur en chef du Matin dimanche – journal le plus lu en Suisse romande – fait partager son sentiment dans son éditorial du 3 septembre: «A l'évidence [ce] drame comporte, parmi d'autres, une composante liée au choc des civilisations: quelle image de la femme avaient dans la tête les deux jeunes agresseurs? Quelle tension entre leur culture (où le viol, évidemment est aussi prohibé) et la nôtre n'ont-ils pas su maîtriser? Quel background eux ou leurs parents ont-ils emporté, qui a fini par constituer avec la société helvétique un cocktail explosif?» Le journaliste, qui se déclare volontiers de «droite conservatrice», se garde bien de répondre à ses graves interrogations. Et oublie qu'en page 3 du même journal, un parallèle est fait avec un crime similaire survenu il y a dix ans, commis exclusivement par... des Suisses. Par ailleurs, l'éditorialiste se drape d'un désir profond d'intégration: «Qu'on prenne conscience des difficultés qu'ont certaines populations immigrées en Suisse (...). Et qu'on imagine ensuite les moyens de les prévenir...» On imagine en effet. Quand on sait que la seule politique d'intégration «imaginée» par la majorité politique de droite en Suisse est de restreindre l'accès des étrangers au territoire helvétique, lorsqu'ils ne servent pas les intérêts financiers du pays, et de fabriquer indirectement de plus en plus de «sans-papiers», corvéables à merci. D'ailleurs, les tribulations démagogiques de Christoph Blocher ressemblent à s'y méprendre à celles de M. Danthe. Mercredi dernier, à quelques encablures de la votation sur les lois sur les étrangers et sur l'asile, le membre de l'UDC et non moins ministre de Justice et police, se découvrait une fibre pour l'intégration en proposant des cours de langues (annoncés depuis déjà une année) et une meilleure coordination entre la Confédération, les cantons et les communes. Une main de fer dans un gant de velours bon marché. Le racisme avance en effet masqué. Mais de moins en moins. C'est ainsi que le journal L'Hebdo n'a pas hésité ce printemps à titrer: «Les musulmans de Suisse vont-ils faire la loi?» Les amalgames entre islam, islamisme et intégrisme sont aussi légion au sein de la presse romande, au point d'inquiéter la commission fédérale contre le racisme dans son rapport sur les discriminations subies par les musulmans de Suisse, paru vendredi dernier. Des amalgames de ce type sont parfois délibérément entretenus. Ils ne sont d'autres fois pas conscients. Ce qui est d'autant plus inquiétant: cela signifie que les réflexes xénophobes pénètrent profondément au sein de la conscience collective. A l'aide, notamment, d'éditoriaux comme celui du rédacteur en chef du Matin dimanche, qui contribuent à la banalisation du racisme ordinaire. | |
mercredi 6 septembre 2006
Le racisme prend ses aises (dans Le Matin)
Lire l'article de Christophe Koessler dans le Courrier
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire