samedi 22 juillet 2006

Sainte-Croix s’est mué en école de vie et de langue pour les requérants vaudois

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ASILE Depuis le 1er avril dernier, la capitale du Balcon du Jura est un passage obligé pour tous les requérants assignés au canton de Vaud.

Ils sont six, sagement assis autour d’une table, cahiers quadrillés sous les yeux et crayon gris bien taillé à la main. Si la salle a des airs de classe primaire, ces élèves-là ont vu se briser leurs rêves d’enfants de­puis longtemps. Sur les bancs de cette école pas comme les autres se côtoient six requé­rants d’asile, une Arménienne, deux Kurdes irakiens, un Erythréen, un Afghan et un Russe. Une vraie tour de Babel réunie ce matin-là comme la veille et l’avant-veille dans un but précis: apprendre le fran­çais en s’imprégnant de la mé­lodie émanant de la bouche de leur professeur, Nicky Vande­rauwera.Cette scène appartient au quotidien de centre de Sainte­ Croix depuis le 1er avril dernier. A cette date, la Fareas lançait son nouveau programme «d’ac­cueil et de socialisation». Le centre perché sur la chaîne ju­rassienne devenait alors la pre­mière étape vaudoise du par­cours «pédagogique» destiné aux requérants arrivés peu de temps avant en Suisse par les Centres d’enregistrement placés aux frontières.

Apprentissage des moeurs
«Nous accueillons chaque se­maine à Sainte-Croix une di­zaine de personnes qui restent ici entre 8 et 11 semaines», expli­que le responsable du centre, Pascal Rochat. Durant cette pé­riode, les requérants sont en­couragés à suivre une vingtaine, d’heures de cours de français hebdomadaires auxquels s’ajou­tent un «cours social» et un «cours santé» par semaine. «Un enseignement qui permet d’aborder, avec l’aide d’un tra­ducteur issu des programmes d’occupation de la Fareas, des thèmes divers tels que la pré­vention des toxicomanies, l’ini­tiation aux moeurs suisses ou le fonctionnement de l’asile dans notre pays», détaille Pascal Ro­chat. D’autres cours pourraient encore être introduits à l’avenir. Le responsable du programme «accueil et socialisation» confie par exemple avoir pris contact avec la gendarmerie vaudoise pour leur proposer d’informer les requérants des conséquences de la consommation et du trafic de drogue.

80% de participation
Les personnes qui refusent de participer à ces différents cours et aux tâches ménagères ne sont, pour l’instant, pas pénali­sés financièrement. «Par contre, un bout d’un mois environ, on les transfère dans un foyer de séjour ( n.d.l.r.: nouvelles appel­lations des autres centres de la Fareas), un lieu où l’encadre­ment est uniquement sécuri­taire. » Durant ces quatre pre­miers mois du programme, le 80% des requérants ont choisi de jouer le jeu. «C’est la propor­tion à laquelle nous nous atten­dions, analyse-t-il, plutôt satis­fait.Le «parcours pédagogique» se poursuit ensuite par une phase de socialisation de quatre mois à Crissier. Outre des cours de français, les requérants peu­vent aussi y suivre des program­mes de formation ou d’occupa­tion.«Le but est clairement de rendre autonomes au maximum les personnes et de les aider à trouver un emploi.» Midi sonne. Le cours de fran­çais se termine pour les six élè­ves assidus du groupe 2. Aujourd’hui, ils ont appris ce qu’est un verbe et dire ce qu’il faisait «avant». La professeur de français, Nicky Vande­rauwera les informe que dès lundi, ils rejoindront le groupe 3. Un frisson parcourt l’assem­blée, entre fierté et appréhen­sion.

Moins d’interventions
L’annonce de la mise en place de ce programme en début d’année avait soulevé quelques appréhensions chez les autorités de Sainte-Croix, notamment en raison du tournus de population important qu’engendrait son application. Elles avaient alors tenu à s’assurer que l’encadrement et la sécurité seraient renforcés autour du centre.Quatre mois après son lancement, les nouvelles autorités du village n’ont pas encore fait de réel bilan avec la Fareas et la gendarmerie. Le secrétaire municipal Michel Staffoni, et le syndic Blaise Fattebert qui était hier au centre, soulignent néanmoins la bonne collaboration qu’ils entretiennent avec la fondation. Michel Staffoni se veut à la fois réaliste et serein. «Le changement a été pris en charge très tôt pour qu’il se passe bien et, pour l’instant, cela semble être le cas. Mais il faut rester attentif, car l’événement peut se produire demain.» «Ce n’est pas banal pour une commune d’accueillir un centre. Le fait que cela se passe bien est à mettre à l’actif des uns et des autres», renchérit le syndic qui a pris ses fonctions le 1er juillet dernier.Aux dires du responsable du centre, le nouveau programme aurait même des conséquences positives pour la commune. «Le nombre d’interventions de la gendarmerie est en diminution», avance Pascal Rochat. Le peu de temps laissé au requérant pour se constituer un réseau pourrait être l’une des explications de cette baisse, selon lui.
Carole Pantet

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