mercredi 22 février 2006

Ces centres de rétention qui ressemblent à des prisons


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En France également la dérive du droit d'asile amène à des conditions de détentions de plus en plus inhumaines et longues pour des personnes dont le seul tort est de demander l'asile...
Voici l'article de Dominique Simonot parue un jour plus tard sur le même sujet et également dans Libé.

Dans une des cours du palais de justice de Paris, une lourde et antique porte en métal mène aux dépôts. Celui des étrangers et celui des détenus attendant de voir un juge. Deux lieux affreux, dénoncés à maintes reprises : dernièrement par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et, avant, par le Comité de prévention de la torture. En 1993 déjà, photos à l'appui, le Syndicat des avocats de France (SAF), le Syndicat de la magistrature (SM) et le Gisti avaient alerté l'opinion.
Promesse. A l'époque, l'état du dépôt des étrangers était tel qu'il avait été fermé pour rénovation. Rouvert, il serait devenu pis encore, au point qu'Alvaro Gil-Roblès, commissaire au Conseil de l'Europe, en a demandé «la fermeture immédiate». Ce sera chose faite... dans six mois, a promis le ministre de l'Intérieur ­ comme pour le centre d'Arenc à Marseille.
Hier, au lendemain de la visite de députés européens (Libération du 21 février), des élus français se sont, eux aussi, rendus dans les dépôts, invités par le SAF et le SM. Comme toujours, ni les magistrats ni les avocats ­ et encore moins les journalistes ­ n'ont eu le droit d'en franchir les portes. Les dépôts sont des lieux gardés secrets. Seuls les parlementaires (1) y ont accès. Ils en sont revenus «écoeurés». Christine Boutin (UMP) en suffoque : «Après ce que je viens de voir, je ressens encore plus fort le décalage entre ce que nous prétendons être ­ le pays des droits de l'homme ­ et ce que nous sommes face aux étrangers retenus ou aux
prisonniers.»
Le dépôt des étrangers, Etienne Pinte (UMP) l'avait déjà visité il y a deux ans et demi : «Le centre pour hommes est dans un état lamentable, injuste, minable, inhumain... Ces hommes et ces femmes qui ne sont pas des prisonniers vivent dans des conditions pires que celles de la prison !» Roger Madec (PS), lui, a été «renvoyé au XVIIIe siècle». Hier, 52 hommes s'entassaient sur deux étages, «à tourner en rond dans ce local insalubre, sale, sordide, sans avoir le droit de rien faire, même pas d'avoir un stylo ou un jeu d'échecs, pour raisons de sécurité», rapporte Martine Billard (Verts). Christophe Caresche (PS) parle d'une «cave, sans lumière du jour,
dont les conditions sont aggravées par l'allongement des délais de rétention». Passés au fil des ans de 7 jours à 10 puis 12 et enfin 32 jours aujourd'hui.
Me Gérard Tcholakian et son confrère Didier Liger se battent depuis si longtemps contre le dépôt des étrangers que leurs aventures pourraient remplir des étagères : «Malgré toutes les recommandations, au cours des quinze dernières années, les différents gouvernements n'ont jamais véritablement réagi. Peut-on sérieusement attendre encore six mois avant la fermeture? accuse Gérard Tcholakian. L'administration doit se donner les moyens de ses prétentions.» Il en appelle aux juges : «Chaque jour, des magistrats ayant connaissance des conditions de vie dans ce centre continuent de prolonger les rétentions.»
«Dégradante». C'est vrai. Lors de ces audiences expéditives, les avocats invoquent l'insalubrité du dépôt, «inhumaine et dégradante», contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, pour réclamer une mise en liberté. Souvent en vain.
Une fois le dépôt fermé, la question du traitement des étrangers demeurera entière, comme le dit Christine Boutin : «Je ne veux pas qu'on s'en sorte à bon compte avec la fermeture du dépôt de Paris, c'est tellement facile de se défiler depuis des années devant l'état de nos prisons et de ces centres.

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