mercredi 11 janvier 2006
Marre d’être interpellés parce qu’on n’a pas l’air d’ici
Joëlle Fabre dans 24heures donne la parole à deux jeunes qui s'estime victime de délit de faciès:
Lors d’une intervention policière à la sortie du Loft à Lausanne dans la nuit du 29 au 30 décembre dernier, Ali et Arash, 21 et 23 ans, Suisses d’origine iranienne, ont été dénoncés pour «scandale sur la voie publique et entrave à l’action de la police ». De leur côté, ils dénoncent l’attitude discriminatoire des policiers lausannois à leur encontre et sont décidés à ne pas payer l’amende qui leur sera infligée.
C’est leur version contre la version de la police de Lausanne.
Pour Ali et Arash, la coupe est pleine. Fatigués de faire régulièrement l’objet de contrôles policiers pendant que leurs amis à peau claire ne sont, disent-ils, «jamais suspectés», ces deux jeunes Suisses d’origine iranienne ont décidé d’aller jusqu’au bout. Ils ne s’acquitteront pas de l’amende d’au minimum 100 francs qui atterrira dans leur boîte aux lettres — le montant doit encore être fixé par la commission de police.
Dénoncés pour «scandale sur la voie publique et entrave à l’action de la police», ils contestent l’un et l’autre avoir eu des comportements justifiant une telle sanction. Ils accusent au contraire l’attitude discriminatoire de la police qui ne les aurait pas interpellés sur la base d’éléments objectifs, mais sur des critères subjectifs tels que leur couleur de peau: «Pourquoi venir me chercher, moi, parmi dix autres gars? s’interroge Arash. C’est clair et net, c’est ma gueule qui est suspecte. » Il est vrai que leur pote Alexandre, blond aux yeux bleus, n’a pas eu à décliner son identité cette nuit-là. Ce dernier revient sur les événements: «En sortant du Loft, j’ai porté assistance à un type qui avait le visage ensanglanté suite à une bagarre. Il était bourré. J’essayais de le calmer, il a commencé à s’exciter sur moi. Les securitas du Flon sont arrivés, puis la police, avec plusieurs voitures. C’est là qu’Arash sort du Loft. Alors qu’il n’a visiblement rien à voir dans la situation, trois policiers l’interpellent et lui demandent ses papiers. J’avais beau leur répéter que c’était moi, et pas lui, qu’il fallait interroger, ils ont refusé de m’écouter.» A son tour, Ali sort du club, voit Arash entouré de policiers et demande ce qui se passe. Réponse: «Vos papiers!» «J’ai donné ma carte d’identité. Les sécus ont dit à la police qu’on n’avait rien à voir dans la bagarre. Même le type qui saignait a confirmé. Néanmoins, on est resté plus d’une demiheure dans le froid, encerclés par la police, avec des chiens et des lacrymos prêts à l’usage.» Ali et Arash reconnaissent avoir protesté et utilisé un langage «cool». «Mais nous n’avons ni haussé le ton ni proféré d’insultes», précisentils. Jennifer, 21 ans, a assisté à la scène: «Ils n’ont rien fait de mal. A la limite, je dirais que je mérite l’amende plus qu’eux puisque j’ai demandé aux policiers de se justifier sur un ton énervé. Je ne vois pas pourquoi certains se font contrôler et pas d’autres. Cette attitude raciste m’a rendue furieuse et m’a donné honte d’être Suisse.» Gislaine Carron, porte-parole de la police de Lausanne, réfute ces accusations: «On ne contrôle pas pour le plaisir, on contrôle les gens qui correspondent à un signalement ou ceux dont le comportement n’est pas adéquat ou suspect.» Elle évoque le contexte tendu des nuits lausannoises, en rappelant qu’à 4 heures du matin, la situation est souvent assez confuse: «Il y a énormément de personnes excitées et avinées. Les policiers se font régulièrement insulter et même frapper. Dans le cas précis, tout est parti d’un malentendu avec le service de sécurité du Loft. Arash a été désigné comme l’agresseur du blessé. Ali s’est ensuite interposé. Le contrôle a duré dix minutes. L’agent de sécurité du Loft est revenu dire qu’il s’était trompé et que ces deux personnes n’avaient rien à voir là-dedans. Les trois agresseurs n’ont pas été retrouvés
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