samedi 14 janvier 2006

Interview de Doudou Diene dans 24heures


Valentine Zubler a obtenu un interview significatif avec le rapporteur sur le racisme de l'ONU:
Au terme de sa visite, le rappor­teur de l’ONU contre le racisme, Doudou Diène, juge sévèrement le pays. Il dénonce une absence de volonté politique au sommet de l’Etat. En outre, avant de rendre son rapport final, il sou­haite étudier le programme po­litique de l’UDC.

Doudou Diène ne mâche pas ses mots. «La Suisse connaît une situation de racisme, de xénophobie et de discrimina­tion », dénonce le rapporteur spécial de l’ONU sur le ra­cisme, au terme de sa visite de cinq jours dans le pays. Une enquête qui l’a conduit de Bel­linzone à Berne, en passant par Neuchâtel et Bâle, et durant laquelle il a rencontré les con­seillers fédéraux Pascal Cou­chepin et Christoph Blocher. De retour à Paris, l’ancien di­plomate sénégalais va rédiger un rapport provisoire qu’il sou­mettra, en mars, à la prochaine session de la Commission des droits de l’homme.

— Votre constat est sévère. Com­ment juger de la profondeur du racisme dans un pays?

— Mes impressions pour la Suisse se fondent sur trois critè­res: l’importance de la question des étrangers dans les débats publics, l’existence de platefor­mes politiques xénophobes et les témoignages unanimes ap­portés par toutes les commu­nautés, les victimes et les mino­rités que j’ai rencontrées du­rant mon séjour.

— Vous n’avez pas peur de met­tre de l’huile sur le feu?
— Non. Mettre le doigt sur une plaie permet de soigner la plaie. La plupart des pays que j’ai visités ont reconnu l’exis­tence de ce phénomène, ce qui est déjà un indicateur positif en soi.

— Est-ce le cas de la Suisse?

— Le gouvernement a accepté et facilité ma visite, ce qui est positif. Mais plus on monte dans la hiérarchie politique, plus les politiciens cherchent à dédramatiser la situation.

— Jugez-vous les efforts des autorités helvétiques insuffi­sants?

— La Suisse ne dispose pas d’une véritable législation con­tre le racisme, contrairement à la plupart des pays. Les voies de recours sont quasi inexistan­tes.
En outre, un haut niveau de violences policières m’a été rapporté, notamment à So­leure. Or, l’approche purement sécuritaire de la question m’in­quiète. Les Noirs sont les plus grandes victimes du racisme: j’ai visité un centre de déten­tion à Bâle. Je n’y ai trouvé que des Africains. Par ailleurs, les indications sur l’emploi en Suisse semblent démontrer que la marginalisation sociale et économique correspond à la carte ethnique du pays. Cepen­dant, je constate aussi que cer­tains cantons font des efforts. Bâle et Neuchâtel semblent mener une politique d’intégra­tion dynamique.

— Vous insistez sur la nécessité d’interdire les partis xénopho­bes. Rangez-vous l’UDC, dont vous avez fustigé une affiche, dans cette catégorie?

— Je ne porte pas de jugement pour l’instant. J’ai rencontré le ministre Christoph Blocher et je lui ai fait part de mes inquié­tudes concernant cette affiche, qui montre des mains brunes en train de s’emparer de passe­ports suisses (n.d.l.r.: il s’agit du placard affiché par l’UDC avant les votations sur la naturalisa­tion facilitée, refusées en sep­tembre 2004 par le peuple).
Mais il n’y voit pas de racisme. Selon lui, cette affiche signifie simplement que la nationalité suisse ne peut pas se prendre dans un panier. J’ai demandé à Christoph Blocher de m’en­voyer un exemplaire de ce pla­card, et à l’UDC, une copie de son programme politique. Je les étudierai avant de remettre mon rapport final.

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