samedi 10 décembre 2005
Mieux vaut perdre une votation que son âme
Lire l'article de Didier Estoppey dans Le Courrier
«Notre parti a décidé de garder son C,il doit l’assumer!» C’est un Luc Barthassat très remonté contre la directionnationale de son parti qui s’exprimait jeudi soir devant les délégués de sa section cantonale. Objet de la colère du conseiller national démocrate-chrétien genevois: les lois sur l’asile et sur les étrangers en voie de finalisation aux Chambres fédérales, avec une longue série de durcissements
programmés. Le moins qu’on puisse dire est que l’orateur a été entendu: c’est à l’unanimité que l’assemblée des délégués genevois a voté le principe d’un soutien actif au double référendum annoncé contre les deux lois.
Le conseiller national n’a pas eu à plaider longtemps: faisant circuler dans la salle la longue liste des mesures de durcissement d’ores et déjà votées par les deux chambres, il s’est borné à les résumer: «Nous allons vers une des lois les plus dures d’Europe, si ce n’est du monde, qui nous met en porte-à-faux avec les Eglises et des ONG prestigieuses comme Amnesty international.»
Des messages que la direction nationale du parti n’a pas voulu entendre, déplore le conseiller national.
En septembre, pourtant, douze conseillers nationaux PDC sur vingthuit (l’ensemble des latins et quelques alémaniques) ont refusé la totalité ou la plupart des durcissements de la loi. «Mais nous avons été traités comme une minorité insignifiante et mis devant le fait accompli par la direction du groupe.»
Ultimes tractations Les choses seraient toutefois en train de bouger, selon Luc Barthassat.
Aussi, pour laisser une chance aux ultimes tractations en cours avant le vote final des Chambres, le 16 décembre, le PDC genevois ne s’est pas encore déterminé définitivement sur son soutien au référendum.
Il s’est borné à en voter le principe au cas où la Loi sur l’asile ne subirait pas d’amélioration d’ici au vote final. Un voeu pieux: il ne reste désormais que deux divergences mineures à éliminer entre le Conseil national et celui des Etats (lire notre édition du 8 décembre). La messe est donc dite... à moins d’un coup de
théâtre qui verrait la loi refusée en vote final.
Le scénario est identique concernant la Loi sur les étrangers: seule subsiste une petite divergence concernant l’admission provisoire.
Le PDC genevois n’en a pas moins préféré se limiter à voter là aussi (à l’unanimité moins deux abstentions) le principe du référendum au cas où trois «conditions non négociables» ne seraient pas remplies: droit au regroupement familial (le projet de loi le limite aux moins de 14 ans), rétablissement du droit automatique au
permis C après dix ans de séjour et possibilité de régularisation pour des travailleurs sans statut légal. C’est la députée Anne-Marie von Arx Vernon qui, avant ce vote, avait sonné la charge contre une loi qui «stigmatise les étrangers» et fait fi des besoins de l’économie suisse en main-d’oeuvre peu qualifiée. Et qui
prévoit des possibilités de détention administrative en vue du renvoi allant jusqu’à deux ans. «Au nom du propre en ordre, la Suisse piétine ses valeurs fondamentales. Et ceci pour un prix exorbitant de 324 francs par jour de détention.»
Dans la rue dès le 2 janvier Malgré ces précautions de principe,
le PDC genevois n’aura d’autre choix, vu son vote de jeudi et le tour déjà pris par les événements, que de rejoindre le comité référendaire genevois qui regroupe notamment, avec les Eglises, l’ensemble des forces de gauche et syndicales du
canton. Réuni mercredi pour se préparer à la bataille, ce comité s’est fixé
pour objectif la collecte de dix mille signatures au bout du lac durant les
cent premiers jours de 2006 (le délai référendaire courant dès le 2 janvier).
La perspective de côtoyer des militant de gauche n’a pas soulevé l’ombre d’une question lors de l’assemblée du PDC genevois. Ni celle de risquer de renforcer les positions de l’UDC par un échec devant le peuple.
Comme l’a résumé la députée Véronique Schmied: «Mieux vaut perdre une votation que perdre son âme.»
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