Voici l'intégralité de l'opinion de Philippe Martinet, député Vert au parlement Vaudois, qui fait le bilan après quelques mois de "charte de partenariat" avec une famille de requérants déboutés:
Des dizaines de personnes des milieux associatifs et politiques, des artistes et désormais des patrons se mobilisent depuis des mois pour une politique d’asile digne et connaissent mille fois mieux le problème que le député «généraliste» que je suis. Aussi, quand les Eglises ont proposé un système de parrainage d’une famille de requérants déboutés parmi les trop célèbres «523» par un représentant de l’Eglise et un des autorités politiques, je m’y suis lancé avec l’ignorance et l’appréhension de celui qui hérite d’une tutelle.
Après trois mois seulement de confrontation à la réalité des requérants, je me permets de témoigner de l’indécence de cette politique pour les enfants, les femmes et les hommes que nous avons accueillis pour certains il y a bientôt dix ans.
La première découverte est celle des visages qui remplacent pour le «parrain» le concept un peu abstrait de «l’asile»: des histoires de vie marquées par l’horreur pudiquement évoquée par les parents et le fait que les enfants qu’on veut renvoyer «chez eux» n’ont souvent jamais vu ce «chez eux». Impossible alors de ne pas penser à nos propres enfants et à l’insignifiance de nos problèmes quotidiens par rapport aux leurs.
En accompagnant les requérants au Service de la population, on découvre ensuite le véritable harcèlement administratif subi lorsqu’il faut, chaque mois, quémander la prolongation du permis de séjour: d’un côté, les mains moites de peur, le souci de ne pas comprendre le jargon juridique, la lassitude et, de l’autre, le malaise du fonctionnaire souvent bien malheureux d’être prisonnier d’un mauvais jeu de rôle et de répéter qu’il faut se préparer au départ, que le recours déposé n’a pas d’effet suspensif, etc. Lorsqu’on entre dans les méandres du dossier, c’est l’absurdité kafkaïenne et le cynisme de la procédure qui frappent:
— Les critères d’intégration de la «circulaire Metzler» ne prenaient pas en compte la détresse humaine d’une femme violentée et rescapée de Srebrenica qui refuse de retourner là où résident ses anciens tortionnaires; et le fait que cette maman parle bien le français ou que sa famille travaille et soit désormais financièrement autonome paraît n’avoir aucun poids.
— Le dialogue de sourds entre le préposé à l’aide au retour, qui postule l’adhésion du requérant, et ce dernier qui fait le gros dos en se demandant seulement quand commenceront les mesures de contrainte.
— Alors que la notion d’amnistie existe en fiscalité ou celle de prescription pour certains crimes, l’illusion entretenue sur une soi-disant impossibilité de «solder» des situations laissées en friche pendant bientôt dix ans paraît une insulte au bon sens.
— Tout comme l’incohérence de ces fédéralistes si sourcilleux quand il s’agit de l’indépendance cantonale, mais qui s’écrasent lorsqu’un fonctionnaire fédéral cornaqué par M. Blocher refuse pour la seconde fois un dossier d’asile présenté par le Canton.
Ces jours, la pression est maximale sur certaines familles déboutées: les plans de vol devant, semble-t-il, être décidés avant la reprise des classes: la police devra donc placer de force des chefs de famille dans des charters. Le Grand Conseil, premier pouvoir selon la Constitution, verra-t-il sa volonté bafouée par un conseiller d’Etat fâché d’avoir été empêché de s’exprimer dans un débat où tout avait été dit? Faudra-t-il des chaînes humaines de citoyens indignés s’interposant? Des refus d’ordre de municipalités d’engager leur police ou de policiers eux-mêmes? Tout cela paraît tellement disproportionné! Je veux croire que notre gouvernement est capable de se recentrer sur les vrais problèmes du canton. Cette affaire n’a que trop duré.
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