mercredi 22 juin 2005

Quand on NEM...tome 5

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« Le pire ?
C’est qu’on ne me croit pas… »


Témoignages autour des personnes
ayant reçu une décision NEM
(Non-Entrée en Matière sur leur demande d’asile),
mises à la rue par les mesures fédérales d’allègement

Tome 5, 14 juin 2005

Les personnes frappées de décision "NEM", logées en abri PC à Lausanne (dortoirs chauffés, mais sans aération naturelle), reçoivent 3 repas par jour. Mais à part ça, pas un centime. Il y a quelques semaines, ils devaient être dehors pendant la journée, même s'il neigeait. Ensuite, on leur a accordé un billet de bus, mais toujours pas d'argent. Mois après mois, passer la journée entière avec l'interdiction de travailler, sans avoir de quoi se payer un café ou un journal, quand il fait froid ou qu'il pleut… Ceux qui ont fait ces prescriptions, on dirait qu'ils font tout pour pousser ces personnes dans le trafic de drogue, ou le travail clandestin !
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J'ai visité un dortoir de l’abri PC. Ceux qui ont fait du service militaire connaissent cette odeur caractéristique de transpiration et de renfermé. C'est déjà difficile à supporter quand on doit y dormir 5 ou 10 nuits. Mais il y a des personnes qui dorment là, à trente ou plus, depuis bientôt une année ! Pour combien de temps encore ??
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Les femmes ont un dortoir à part. Elles sont moins nombreuses, le local sent moins mauvais. Mais elles n'ont pas de douches. Si elles vont dans la douche des hommes elles ne savent pas qui peut entrer.
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Il y en a parmi elles, parmi eux, qui sont venus d'Afrique au péril de leur vie, entassés sur des petites embarcations qui prenaient l'eau, à la merci des passeurs – dont ils ne savent jamais les noms, mais qu'ils ont dû payer parfois plus de 1000 euros. Ces passeurs leur ont parfois donné de fausses pièces d'identité, mais les leur ont reprises. Ce qui fait qu'ils arrivent ici sans pouvoir prouver leur identité. Alors : NEM, Non Entrée en Matière ! Certes, ce sont ces passeurs qui sont les grands criminels, mais ils demeurent introuvables ! Et continuent leurs escroqueries.
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Pour payer les passeurs, ils se sont souvent endettés auprès de leurs familles ou amis, à qui ils ont promis qu'une fois en Europe, ils leur enverraient de l'argent. Arrivés ici, ils trouvent le bunker, le froid, la neige, l'interdiction de travailler, la crainte de la police suisse, la méfiance de la population. Le plus dur, c'est encore la solitude. Beaucoup ne peuvent recevoir ni donner de nouvelles à leur famille : leurs parents sont morts, ou sont illettrés, n'ont pas d'adresse ni de téléphone… Ici, ces jeunes gens sont souvent coupés de tout ce qu'ils connaissaient, et se retrouvent sans lien, hors relation. Quand on pense à ce que signifie la communauté, pour des Africains !…
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Et puis il y a les contrôles incessants de la police. Un Noir, c'est « forcément un dealer de drogue » (il y en a, c’est vrai ! mais la plupart n'en sont pas !!! …et se font contrôler systématiquement). Prises de judo même à ceux qui ne se débattent pas, confiscation d'argent et de papiers. Des plaintes ont été déposées, mais il y a rarement des témoins. Le pire, c'est l'humiliation d'être arrêté en rue.
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La Suisse espère que cela va les pousser à rentrer d'eux-mêmes. Ça ne marche pas, et pour cause. Le plus souvent ils ne PEUVENT pas rentrer, faute de papier d'identité. Et puis ils sont sûrs que ce qui les attend chez eux est encore pire que ce qu'ils vivent maintenant. Et peut-être que, pour eux, le plus terrible c'est de rentrer les mains vides. Ils avaient dit qu'ils allaient gagner de l'argent en Europe et qu'ils paieraient leurs dettes. Rentrer sans même un cadeau à leur mère ou à leur oncle, c'est perdre la face. C'est comme le pire déshonneur. Passer pour traître, alors qu’on a été trahi. Ah, s'ils pouvaient travailler, ne serait-ce que 3 mois avant de rentrer, pour pouvoir acheter quelques cadeaux!
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Toutes celles et tous ceux qui fuient pour ne pas être torturés, tués, "disparaître" à tout jamais : celles-là, ceux-là correspondent à la définition traditionnelle du réfugié politique. Mais quand ils racontent leur histoire à l'audition de demande d'asile on leur demande des preuves. Et ceux qui n'en ont pas, c'est à dire presque tous, on ne les croit pas ! Il faudrait demander aux tortionnaires de laisser un billet – sur papier officiel – disant : nous avons l'intention de vous arrêter et de vous torturer. Ou encore : nous certifions que nous avons torturé une telle ou un tel, de telle à telle date et de telle façon !!! Même celles et ceux qui disent que leur frère, leur sœur, leur mari, leur père a "disparu", on ne les croit pas, à Berne, quand ils disent qu'ils sont menacés.
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J'ai rencontré, par mon travail dans les organisations de droits humains, beaucoup de gens qui avaient été torturés. Tous et toutes (surtout les femmes à cause des viols, mais les hommes aussi) avaient infiniment de peine à parler de leurs tortures. Et c’est insupportable, quand ils parviennent à raconter ces choses effroyables qui les ont traumatisés à vie, de s'entendre dire : Tu mens ! Mais aux yeux de l'Office fédéral des Migrations (ODM), si tu n'as pas de preuve ou un certificat médical que tu as été torturé ou que tu risques ta vie, tu peux être renvoyé sans problème.
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Merci d’avoir lu ces témoignages. Les premiers tomes :
1, « Un seul programme, enlever la couleur » ;
2, « C’est arrivé près de chez vous ! » ; 3, « Dans le froid – Hors du temps » et 4, « Manger, ce n’est pas le plus important… » sont encore disponibles. Vous désirez les recevoir ? Vous souhaitez être tenu-e au courant de la suite ? Contactez-nous !
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Editeur responsable :
Carrefour d’Associations NEM
c/o SOS-Asile Vaud
Adresse de contact :
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