mercredi 20 avril 2005

L'opinion de Jean Martin dans 24heures



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REQUÉRANTS DÉBOUTÉS

Il faut joindre et non disjoindre, la formule est d'Edgar Morin. Elle dit en peu de mots comment il faudrait, malgré la complexité du dossier, trouver des solutions pour les requérants déboutés vaudois - les 523 qui sont encore environ 300.

Depuis l'été dernier, on a vu de multiples mobilisations, au nom du fait qu'il n'est pas acceptable de renvoyer, par exemple, des familles dont les enfants connaissent mieux la langue et le mode de vie de notre pays que de leur région d'origine. On doit faire preuve de sens commun vis-à-vis de ceux qui depuis des années sont appréciés pour leur travail et leur bon voisinage. Or, comme rien ne vient débloquer la situation, les fronts se raidissent, des accusations excessives enveniment la situation. Les uns invoquent la loi, négligeant que parfois summa jus, summa injuria; à savoir application maximaliste du droit, injustice suprême.

Les autres prennent des positions idéalistes qui ne considèrent guère que la Suisse ne peut pas être tout à tous.

J'ai toujours cherché dans mon activité à promouvoir les moins mauvaises solutions quand il n'y en a pas de vraiment bonnes. A ce stade, le gouvernement vaudois aussi bien que les militants de l'asile campent sur leurs positions. Chaque bord attend que l'autre lâche complètement. Réaliste? Je ne le crois pas. Bien sûr, des deux côtés, il y a des enjeux politiques: se montrer irréductible pour plaire à son audience, ne pas perdre la face. Le risque étant alors que l'intérêt de la plupart des requérants passe au second plan. Il m'est arrivé de penser – hors de ce dossier – que certains étaient pour tout ce qui n'est pas faisable et contre tout ce qui est faisable…

Ce qui devrait compter, c'est le résultat concret. Comment arriver à un règlement pour le plus possible de personnes? Il est illusoire d'espérer arracher - à Berne - une régularisation collective; naïvement peut-être, j'estime que le Conseil d'Etat peut assouplir sa position et faire en sorte que les personnes vulnérables dont on parle souvent soient finalement autorisées à rester. Pour cela il faut de part et d'autre des pas significatifs, pour un déblocage. J'estime - même si cela me vaut des coups de bâton - que les défenseurs des requérants doivent manifester moins d'intransigeance. Ainsi, qu'ils renoncent - ce que plusieurs en privé disent accepter - à la formule «Un renvoi, c'est un renvoi de trop».

Souvent est décrit à juste titre l'état de tension, de dépression, de «no future», des personnes sans statut. Au vu de leur vie antérieure en Suisse et de leurs circonstances, certaines devraient pouvoir rester. Vis-à-vis d'autres, ne convient-il pas d'entamer sans a priori un dialogue ouvert sur les avantages et inconvénients d'accepter les offres d'aide au retour. Ici, je dis ma conviction que le Conseil d'Etat entend s'assurer que ces retours se passent bien et qu'il y mettra les moyens.

Sont envisageables des dispositifs de parrainage. Souvenons-nous des démarches de solidarité avec des villages roumains, dont plusieurs restent actives aujourd'hui. Sans doute les Roumains étaient-ils chez eux et pas déjà ici. Mais ne peut-on promouvoir pour des personnes qui ont séjourné en Suisse des programmes de soutien là où ils seraient rentrés?

On me dira que si le gouvernement vaudois ne répond pas positivement à des gestes d'ouverture, les milieux pro requérants auront fait des concessions pour rien… Objection admise, il y a là une part de pari. D'autres que moi aussi peuvent chercher à apprécier si le pari est stupide ou pas.
Important, un mot encore sur le contexte: je m'associe au cri d'alarme de F.Couchepin, ancien Chancelier de la Confédération, et d'autres quant au fait que des personnalités occupant de hautes fonctions sont prêtes aujourd'hui, sous des allures de vieux Suisses bonhommes, à fouler au pied les valeurs en matière d'asile qui sont l'honneur de la civilisation occidentale. Ces gens sont dangereux, se comportant comme si leurs convictions suffisaient à disqualifier les garanties juridiques internationales. Trouver une solution acceptable, consensuelle, à la situation vaudoise serait un signe fort que la raison et l'humanité peuvent prévaloir.


Opinion parue dans 24 heures du 20 avril 2005

Jean Martin, membre du parti radical, ancien médecin cantonal et constituant, est actuellement député au Grand Conseil
Lire aussi la célèbre motion Martin de l'été 2004
Lire l'opinion de Jean Martin en décembre 2004
Lire aussi la position de Jean Martin en juin 2005
et son opinion en novembre 2005

En janvier 2005, Jean Martin nous redonne un peu d'espoir de consensus

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