Athènes s'apprête à ériger une clôture pour endiguer l'afflux d'immigrés qui entrent en Europe via la Turquie. Les critiques que suscite ce projet, notamment à Bruxelles, sont "hypocrites", estiment les autorités grecques.
Quand Christos Papoutsis, le ministre de la Protection du citoyen [chargé de l’immigration], parle de l’hypocrisie de ceux qui critiquent son projet de clôture, il veut mettre l’accent sur les réalités de l’immigration clandestine. Près de 300 personnes tentent de passer chaque jour la frontière à cet endroit précis, là où le fleuve Evros fait un crochet par le territoire turc et ne joue plus son rôle de frontière naturelle entre les deux pays. L’arrivée de clandestins depuis la Turquie a par ailleurs augmenté de 372 % en un an, surtout dans le nord-est du pays, alors que l’arrivée par les îles a diminué de 70 % à 75 %. La présence des agents de la police européenne aux frontières, Frontex, a été concluante dans les îles et a commencé à porter ses fruits dans le nord, après deux mois de présence. Mais, selon le gouvernement, la présence d’un mur de barbelés équipé de caméras thermiques et de capteurs de présence sera encore plus dissuasive pour les passeurs.
Cette clôture longera les 12,5 km de frontière terrestre commune avec la Turquie (sur les 198 km de frontière fluviale). "Cela incitera aussi la Turquie à reconnaître sa propre responsabilité dans cet afflux de clandestins", estime un responsable grec, sous couvert d’anonymat.
L’Espagne a installé le même genre de barrière pour clôturer ses frontières à Melilla et Ceuta [les deux enclaves espagnoles au Maroc], et l’effet a été immédiat. La nôtre, d’une hauteur de 3 mètres, sera située entre les villages de Vyssa (Nea Vyssa) et Kastanies, près d’Orestiada. Le village de Nea Vyssa n’a pas été choisi par hasard. Ce petit village est le principal point d’entrée des migrants, et c’est le passage le plus "abordable" financièrement parlant : les passeurs demandent ici de 500 à 600 euros ; pour passer par les îles, il faut compter le double, voire le triple...
La police est omniprésente autour de ces villages et a, depuis quelques semaines, reçu le renfort des équipes de Frontex. Des policiers venus de toute l’Europe couvrent le périmètre jour et nuit : soit près de 600 personnes en tout et des équipements ultramodernes. Mais cela n’a pas n’empêché le passage d’immigrés clandestins. L’année dernière, 128 000 migrants sont arrivés en Grèce au total. Ces quatre dernières années, leur nombre atteignait 512 000. Bien entendu, le projet de mur provoque de vives réactions au sein de l’opposition. Les partis de gauche n’hésitent pas à parler de racisme, ceux de droite de "fausse solution". Quant à la Commission européenne, elle reste très réservée. D’où la réaction de Christos Papoutsis. "On pointe la Grèce du doigt depuis des années en l’accusant d’être incapable de garder ses frontières selon les critères du traité de Schengen et, au moment où elle décide de prendre des mesures, elle est critiquée", s’insurge-t-il. La construction du mur sera achevée fin mars.
Lia Neafyge, Stelios Vradelis pour Ta-Nea, quotidien généraliste grec, relayé par le Courrier International
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