La conseillère fédérale veut que la Suisse renoue avec sa tradition humanitaire et promet une plus grande collaboration avec le HCR. Mais elle juge aussi nécessaire de raccourcir les procédures et de faciliter les renvois.
Elle veut travailler plus étroitement avec le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et serait prête à renouer avec la tradition des contingents, abandonnée en 1996. Mais Simonetta Sommaruga entend aussi raccourcir les procédures d’asile, faciliter les renvois et remédier au fait que seuls 20% des réfugiés reconnus ont un travail, ce qui dénote un problème d’intégration. «Car la Suisse a besoin d’une politique d’asile crédible», dit-elle.
C ’est ce qu’elle a souligné, très clairement, le 20 janvier à Berne, à l’occasion du quatrième symposium sur l’asile. La responsable du Département de justice et police (DFJP) donnera mardi une conférence de presse sur ses 100 premiers jours au Conseil fédéral. Mais elle n’a pas attendu cet évènement pour dévoiler ses premières impulsions en matière de politique d’asile et des étrangers.
Elle devra aussi rapidement empoigner le dossier des sans-papiers, casse-tête fédéral depuis des années. Lors de sa séance du 22 décembre, le Conseil fédéral a évoqué l’idée d’obliger les maîtres d’école à dénoncer les enfants sans papiers. L’idée a très vite provoqué une levée de boucliers. Un groupe de travail, chargé de réfléchir à toute une série de mesures pour régler le problème des clandestins, est censé se pencher sur la question. Il livrera ses conclusions avant la fin de l’année. Il compte aussi s’attaquer au problème des personnes sans statut légal qui cotisent à l’AVS, situation qu’Eveline Widmer-Schlumpf avait qualifiée d’«intolérable» devant le National en mars 2010.
A la marge
Simonetta Sommaruga aurait-elle pu elle-même mettre sur le tapis la chasse aux enfants clandestins? Certains le pensent. Très pragmatique, elle s’est souvent démarquée sur ces questions du courant majoritaire du PS. Au parlement, elle a approuvé le contre-projet sur le renvoi des étrangers criminels, une fois le chapitre sur l’intégration ajouté, et après avoir tenté d’invalider l’initiative de l’UDC, en l’assumant. Alors que la plupart de ses collègues socialistes l’ont fait en se pinçant le nez.
C’est aussi elle qui, dans ses thèses consignées dans le livre Für eine moderne Schweiz, rédigé en 2005 avec Rudolf Strahm, relevait que le PS a réagi avec dix ans de retard sur les questions migratoires. Et qu’il a trop longtemps ignoré la problématique des étrangers mal intégrés. En 2001, elle avait, dans le provocant Manifeste du Gurten, été jusqu’à prôner une «limitation de l’immigration».
Simonetta Sommaruga, résolue à résoudre les incohérences de l’asile pour éviter que la droite dure n’en profite pour se profiler, ose donc aborder des questions jugées iconoclastes dans son parti. Et se montrer dure avec les étrangers qui ne devraient pas rester en Suisse. Mais des proches assurent que la Bernoise est tout à fait contre l’idée de s’en prendre aux enfants sans papiers. Et qu’elle ne croit pas qu’elle puisse être applicable. Voilà qui rassure son camp. Selon nos informations, c’est Ueli Maurer qui a demandé au DFJP d’étudier cette option controversée.
Les contingents de réfugiés? Ces dernières années, le HCR a régulièrement demandé à la Suisse d’accueillir des groupes de réfugiés qui ne peuvent ni rentrer chez eux ni trouver la protection nécessaire dans le premier pays d’accueil. Sans succès. En 2009, l’instance onusienne a même publié un livre-plaidoyer (LT du 16.02.2009), envoyé aux conseillers fédéraux et aux parlementaires. La porte semble désormais se rouvrir avec Simonetta Sommaruga. «Même si aucune promesse n’a été formulée, nous avons senti une certaine ouverture de sa part», confirme Susin Park, la responsable du Bureau suisse du HCR.
Fermeture progressive
Lors des événements de Hongrie en 1956 ou ceux de Tchécoslovaquie en 1968 par exemple, le Conseil fédéral avait accepté des groupes importants de réfugiés, sans les faire passer par la case «procédure individuelle». Puis la hausse des demandes d’asile individuelles en provenance des Balkans a mis fin à la pratique. Depuis 2005, la Suisse accepte des petits groupes de réfugiés proposés par le HCR. Mais en 2005 par exemple, il ne s’agissait que de dix Ouzbeks.
En 2007, Micheline Calmy-Rey, alors présidente, avait défendu au Conseil fédéral l’idée d’accueillir 500 Irakiens. En vain. Malgré cela, la Commission fédérale pour les questions de migration continue d’exiger que la Suisse accueille 200 à 300 réfugiés du HCR par an.
Ce sera un test pour Simonetta Sommaruga. Saura-t-elle se montrer convaincante? Si elle veut éviter une claque devant le Conseil fédéral, elle pourra toujours décider d’accueillir un groupe inférieur à 100 individus. Car en dessous de ce seuil, elle peut agir sans l’aval de ses collègues.
Valérie de Graffenried dans le Temps
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire