samedi 29 janvier 2011

«Le racisme est désolant de connerie humaine»

Dany Boon (à droite) et Benoît Poelvoorde, sur le tournage;  le premier a écrit le film en pensant au second. PATHEDany Boon a vécu l'exclusion dans son enfance. Il en fait le sujet de sa nouvelle comédie, «Rien à déclarer».

Depuis le triomphal «Bienvenue chez les Ch'tis», tout le monde se l'arrache. Chaque média en veut une miette, chaque région réclame son avant-première «en présence de». C'est donc un véritable marathon promotionnel que Dany Boon a engagé pour «Rien à déclarer», son nouveau et très attendu long métrage.

Le jour de son passage à Genève, il s'est endormi entre deux interviews. Epuisé, certes, mais, une fois réveillé, attentif et disponible. Prêt à déclarer plein de choses sur ce film, très proche des «Ch'tis» dans la mesure où il y est à nouveau question de préjugés, de racisme plus précisément.

Son enfance explique pourquoi ces questions le préoccupent tant. «Mon père venait de Kabylie, ma mère était du Nord. Quand ils se sont connus, ma mère était mineure, elle est tombée enceinte de moi à 18 ans. Ç'a fait toute une histoire et une partie de ma famille, dont mon grand-père, a rejeté ma mère - entre autres à cause des origines de mon père - puis les enfants.»

Souvenir de mariage

Dany a vu son grand-père une seule fois, le temps de se faire claquer la porte au nez. Il se souvient d'une scène marquante. «Je devais avoir 6 ans et mon frère 3. J'étais bien habillé, mon frère aussi, ma mère aussi. On allait au mariage du jeune frère de ma mère et on n'avait pas le droit de rentrer dans l'église. On était en face, sur le parking. J'ai cette image très précise dans ma tête, on regardait ma famille jeter le riz à la sortie de l'église, nous, on était de l'autre côté de la rue. Je tenais la main de ma mère et elle pleurait? Elle était exclue, paria.»

La maman de Dany Boon vit le succès comme «une réparation». Aujourd'hui, comme par hasard, certains membres de la famille sont revenus vers celui qu'ils avaient rejeté. «Je ne suis pas dupe», sourit-il. Dany n'en veut pas à ce grand-père, cet «étranger» aujourd'hui décédé. «Ce qui est dommage, c'est que chaque moment de vie est précieux et qu'il est gâché par la névrose et par le fait que mon grand-père, totalement buté, est victime de sa propre connerie. Même s'il a fait du mal à ma mère et à ses petits-enfants, je le vois comme une victime.»

Clandestins suisses

Le réalisateur, qui lui-même a «accepté des étrangers dans (sa) propre famille, des clandestins suisses (n.d.l.r.: son épouse Yaël est suissesse, leurs enfants binationaux)», s'inquiète des replis communautaires actuellement constatés un peu partout. «C'est important de revendiquer son identité, ses origines, sa culture, mais dans un but d'échange avec l'autre; j'ai grandi dans cette idée-là. Aujourd'hui, on se radicalise?»

Parce que le rire est son arme, Dany Boon l'utilise pour démontrer l'absurdité du rejet de l'autre. Mais le clown ne se fait pas d'illusions. «Sur le côté pratique, le raciste peut changer; sur le plan théorique, il ne change jamais. C'est ça le grand drame.» Alors essayons d'en rire pour ne pas en pleurer.

Manuela Giroud dans le Nouvelliste

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