«Maria Amelie» a conquis son pays d’adoption et a révélé les lacunes du droit norvégien. Une femme aussi bien intégrée mérite d’être régularisée. Oslo s’engage à créer un droit d’exception qui permettra à la jeune Russe de revenir légalement vivre en Norvège à brève échéance.
Elle a redouté ce moment pendant des années. Elle a longtemps cru pouvoir y échapper, surtout après avoir été désignée «Norvégienne de l’année 2010». Mais rien n’y a fait. Lundi, une unité de la police norvégienne est venue la chercher à son domicile et l’a conduite à l’aéroport d’Oslo, où elle a dû embarquer dans un avion à destination de la Russie.
Madina Salamova, c’est son nom, est arrivée mardi à Moscou le jour même où un kamikaze se faisait sauter à l’aéroport international de la capitale russe. Retour à la case départ et confrontation brutale, immédiate, avec la terreur que ses parents avaient décidé de fuir, il y a onze ans, en tournant le dos à la Russie. L’émigration pour se sauver: la famille alors établie en Ossétie du Nord ne supportait plus un quotidien pourri par les mafias locales.
Madina Salamova a été expulsée de Norvège car elle y vivait sans titre de séjour valable. Elle était une «sans-papiers» depuis que sa demande d’asile avait été définitivement refusée par les autorités norvégiennes, en 2004. Avant de tenter sa chance à Oslo, la famille avait essuyé une première non-entrée en matière de la Finlande.
Une vague de solidarité sans précédent a cherché, jusqu’au dernier jour, à empêcher l’expulsion de la jeune femme, âgée de 25 ans. Une lettre ouverte signée par des évêques, le président de l’association nationale des avocats, ainsi que les présidents de plusieurs ONG humanitaires a encore été adressée au gouvernement la semaine précédant le renvoi. Le sort de cette femme a même menacé d’éclatement la coalition au pouvoir, emmenée par le travailliste Jens Stoltenberg. Le premier ministre ainsi que le ministre de la Justice ont été jusqu’à prendre part à la discussion publique qui s’est emballée au sujet de cette femme dont la trajectoire a ému les Norvégiens.
Un modèle
Alors qu’elle vivait clandestinement, Madina Salamova a publié le récit de sa vie dans l’illégalité. Le livre, paru sous le pseudonyme Maria Amelie, a triomphé en librairie. Adolescente – elle avait 16 ans à son arrivée à Oslo –, elle a appris le norvégien en un temps record, a bluffé tous ses maîtres par ses compétences scolaires remarquables, puis elle a obtenu un master à l’Université technique de Trondheim. Bref, un modèle d’intégration qui a fait s’interroger la Norvège sur sa politique vis-à-vis des étrangers. Alors que la concurrence pour les cerveaux est mondiale, il est apparu insensé de ne pas pouvoir lui accorder un permis.
Le premier ministre a expliqué ne pas pouvoir faire d’exception dans le cadre de la loi actuelle. Contrairement à la Suisse, la Norvège n’a pas prévu la régularisation de sans-papiers considérés comme des cas de rigueur. Mal à l’aise, le gouvernement a reconnu qu’il allait réviser en urgence la loi pour ouvrir cette possibilité. Il a explicitement assuré que Madina Salamova pourra revenir s’installer légalement en Norvège à brève échéance. La future loi définira les conditions d’un régime d’exception, et il ne fait pas de doute que la jeune femme russe les remplira. L’odyssée de «Maria Amelie» n’aura pas été vaine.
François Modoux dans le Temps
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