Généreuse envers les demandeurs d’asile irakiens, la Suède vient toutefois de renvoyer en Irak une vingtaine de personnes auxquelles a été refusé le statut de réfugié.
« Nous sommes à peu près sûrs que ces gens risquent d’être tués une fois rentrés en Irak, et pourtant les autorités ont décidé de les expulser, c’est inacceptable », se navre Tobias Herrström.
Ce pasteur suédois de 28 ans fait partie de ceux qui ont tenté de s’opposer physiquement au transfert d’une vingtaine de réfugiés irakiens expulsés mercerdi 19 janvier par la police du royaume. « Au moins trois d’entre eux sont des chrétiens nouvellement convertis, précise- t-il. On sait très bien ce qui les attend dans leur pays. »
Joint par téléphone à Göteborg, la deuxième ville de Suède où il officie, le pasteur n’en revient pas que Stockholm passe outre aux critiques émises par le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), la Croix-Rouge et le Conseil de l’Europe.
En Suède aussi, les expulsions forcées d’Irakiens – environ 800 depuis le début de 2008 – suscitent une certaine émotion. La branche locale d’Amnesty International est mobilisée. Quant au Conseil chrétien de Suède, organisme œcuménique, il demande que « les expulsions forcées cessent pour le moment ».
Le gouvernement fait le dos rond
Les autorités de Bagdad le souhaitent aussi, qui préviennent ne pas pouvoir garantir la sécurité de tous les Irakiens rapatriés. « Notre gouvernement est prêt à accepter ceux qui rentrent au pays de leur plein gré, mais déporter des gens contre leur volonté pose de vraies questions », estimait dimanche 16 janvier l’ambassadeur irakien en Suède, Hussein Al Ameri, sur une radio suédoise.
À Stockholm, le gouvernement fait le dos rond. Il estime être dans son bon droit, en rappelant qu’un accord sur le rapatriement des réfugiés n’ayant pas obtenu l’asile avait été signé en février 2008 avec les autorités irakiennes.
Le Danemark, la Norvège et le Royaume-Uni ont fait de même. « La Suède n’a aucune raison de renégocier cet accord. Nous n’avons d’ailleurs pas reçu de demande officielle en ce sens de la part de l’Irak », a expliqué Tobias Billström, le ministre de l’immigration.
Le gouvernement de centre droit estime que le royaume a fait preuve de générosité par le passé. En 2007, par exemple, la Suède avait accueilli plus de la moitié (18 500) des Irakiens ayant fait une demande d’asile cette année-là dans toute l’Union européenne. Et plus de 90 % d’entre eux avaient obtenu cet asile.
Une vingtaine d’expulsés
« En Irak et dans les pays voisins, on se passe le mot pour vanter les avantages de la Suède », déclarait alors à La Croix le chef d’une unité chargée d’étudier les dossiers des demandeurs d’asile. L’an dernier, le pays, qui compte 130 000 Irakiens sur 9,3 millions d’habitants, a accordé l’asile à 50 % des 1 970 Irakiens qui l’avaient demandé (contre 27 % en 2009).
À partir de 2008, certains Irakiens ont commencé à rentrer chez eux à cause d’un retour progressif à la sécurité. D’autres, environ 5 000 personnes, priées de s’en aller une fois leur demande d’asile rejetée en appel, sont parties de leur plein gré, en vertu de l’accord passé avec Bagdad.
Restent ceux qui refusent d’obtempérer – dont la vingtaine d’expulsés de mercredi 19 janvier –, et ce bien que la justice suédoise ait rejeté leur demande en appel.
« Ces gens-là ne peuvent pas prouver qu’ils sont menacés individuellement mais ils le sont de manière diffuse et collective », objecte le pasteur Herrström qui, « à titre personnel », s’est interposé face à la police lundi et risque désormais d’être poursuivi.
Antoine Jacob, à Stockholm, pour la Croix
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