samedi 13 novembre 2010

Ce que dévoile le refus d'abriter le congrès de l'UDC à l'Université de Lausanne

Antoine Chollet, chercheur en science politique à l'UNIL, est l'invité de la rubrique Réflexion du quotidien 24 Heures.

antoine cholletLe refus de l’Université de Lausanne d’accueillir en ses murs le congrès de l’UDC peut soulever des interrogations légitimes. Quelques semaines après avoir reçu le Parti socialiste, la discrimination paraît en effet flagrante. Même l’argument de la sécurité invoqué par la direction de l’établissement semble un peu forcé. Depuis quand l’expression d’une parole hérétique devrait-elle être exclue d’une Université sous la menace de désordres possibles?

L’essentiel n’est pourtant pas là. Les péripéties entourant l’organisation du congrès du parti nationaliste nous rappellent opportunément que, décidément, l’UDC n’est pas tout à fait un parti comme un autre. Ses rassemblements ou la venue de certains de ses chefs sont régulièrement émaillés d’échauffourées diverses, savamment entretenues, sinon provoquées, par le parti. On se souvient d’un congrès organisé à La Chaux-de-Fonds et de la venue de Christoph Blocher au Marché-Concours de Saignelégier ou au Comptoir Suisse, à Lausanne, il y a quelques années. A chaque fois, le lieu est choisi à dessein, et la scène dressée pour opposer un parti, forcément démocratique, à des «casseurs anonymes», forcément décervelés.

Ces évènements doivent nous rappeler que l’UDC divise très profondément la société suisse, qu’elle alimente les polémiques sur lesquelles son succès repose, et qu’elle se place systématiquement dans une logique conflictuelle exacerbée. La démocratie est et doit être conflictuelle, c’est évident (même s’il est parfois difficile de le faire admettre en Suisse). Mais pour que ce conflit demeure démocratique, il doit reposer sur la franchise de toutes les parties en présence. Or l’UDC n’en fait pas preuve: elle se repaît de l’agitation qu’elle provoque partout, l’attise par des affiches et des propos scandaleux, et se fiche éperdument des conséquences possibles de ses propositions politiques. Son but, c’est d’être à la une de tous les médias. Dans ces conditions, le dé- bat politique ne peut plus être mené démocratiquement, il est faussé par la duplicité d’un de ses protagonistes.

Alors même que la Suisse est prise dans l’une de ces campagnes politiques créées de toutes pièces par l’UDC, l’affaire du congrès raté à l’Université de Lausanne vient à point nommé nous remettre en mémoire quelques-unes des actions de ce parti passé maître dans l’art de la manipulation politique.

Au moment de voter, le 28 novembre, peut-être ne sera-t-il pas complètement absurde de considérer aussi cet aspect, et de voir que, sur la question posée aux citoyens et citoyennes suisses, les provocations répétées de l’UDC lui ont permis, patiemment, de rallier à ses thèses toute la droite et une minorité du Parti socialiste. La victoire la plus éclatante des stratèges de l’UDC est ainsi de réussir à faire croire qu’ils perdent, lorsqu’en réalité ils gagnent sur tous les fronts.

Aucun commentaire: