mercredi 24 novembre 2010

Un visage sur les migrations

que fais-je iciL'hôtel de ville de Bailleul accueille une exposition consacrée à des portraits de migrants. Nadège Fagoo et Émilie Lenancker les ont réalisés l'hiver dernier auprès de clandestins de passage au camp médical bailleulois. Récit à deux voix de leur démarche.

Expression grave ou sourire éclairé, les portraits captent l'oeil du visiteur dans le hall de l'hôtel de ville de Bailleul. Vingt-cinq hommes, des Afghans de 12 à 36 ans, racontent leur histoire personnelle, leur périple. Cette galerie de portraits, Que fais-je ici ?, est présentée jusqu'à demain.

À l'origine de la démarche, Nadège Fagoo, photographe à l'agence Light Motiv à La Madeleine, et Émilie Lenancker, professeur d'anglais. Les deux Bailleuloises ont rejoint l'association Flandre terre solidaire l'automne dernier, au moment de l'ouverture du camp sanitaire Intermed. S'est alors dessinée l'envie de « garder une trace de leur passage ».

Nadège Fagoo, épaulée d'Émilie Lenancker à la traduction, a imaginé des rencontres illustrées de portraits. De ces entretiens, menés de décembre au printemps, elles ont récolté des récits forts, émouvants. qu'elles ont voulu transmettre. La semaine de la Solidarité qui se profilait a été le déclencheur de l'exposition.

« Des interviews se sont révélées bouleversantes, nous n'imaginions pas leurs parcours si dramatiques. » Des extraits bruts, sans fioritures, volontairement courts pour être percutants, accompagnent les photos de Nadège Fagoo, prises sur le vif pendant les entretiens. « Les gens m'ont dit de partir ou je serais tué », témoigne Mohammed, 24 ans. « Depuis que je suis né, je n'ai jamais connu le bonheur », raconte Mustapha, 19 ans. « Tout le monde dit que l'Europe est le pays des droits de l'homme, mais pas pour les migrants », note l'un d'eux. Ces histoires ont un élément commun : « Ces hommes ont tout quitté, pleins d'espoir. Arrivés ici, certains voient leurs espoirs déçus, ils s'attendaient à être accueillis à bras ouverts avec des papiers. En parallèle, ils sont reconnaissants des actions de solidarité qui ont été mises en place », note Nadège Fagoo. « Ils sont tous attachés à leur pays. Beaucoup gardent espoir d'une vie meilleure », complète Émilie Lenancker.

Les deux Bailleuloises impliquées dans le milieu associatif - Émilie Lenancker préside le collectif artistique La Sauce -, ou politique - Nadège Fagoo est adjointe au maire à Bailleul - reconnaissent que leur sentiment de révolte a été moteur. « Notre but n'était pas de faire un album photo », précise l'enseignante. « Nous voulions parler au sens large de l'immigration, du problème des sans-papiers, du gouvernement et de sa politique dure sur l'immigration », indique la photographe. En filigrane, aussi, la volonté de « titiller » les Bailleulois, les inciter à s'interroger sur l'immigration « un problème auquel on n'est pas confronté au quotidien ».

Enfin, elles rendent hommage au mouvement de solidarité qui s'est enclenché l'an dernier, lors de l'installation du camp, rapprochant les associations.

Quelle suite à ce travail ? « On ne se projette pas encore », répond Émilie Lenancker. Il est d'ores et déjà fixé, en revanche, que l'exposition se déplacera. Elle est attendue au cinéma L'Univers à Lille, du 15 au 19 décembre. •

Exposition visible dans le hall de l'hôtel de ville de Bailleul jusqu'à demain.

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