mercredi 24 novembre 2010

Les affres de l'immigration inspirent la trilogie de Toussaint Dembélé

Sans avoir été directement victime des affres de l’immigration clandestine, Klémagha Toussaint Dembélé ne se sent pas moins concerné. A la faveur de l’exposition, dont le vernissage a eu lieu le 11 novembre 2010, au « Bla bla » de l’Hippodrome, nous avions eu l’occasion d’apprécier la force de l’influence de l’immigration clandestine sur son travail artistique.

Installé sur du sable, assis sur une caisse, tenant avec sa main droite, sa tête symbolisée par un téléviseur, Waka habillé en haillon laisse transparaître toute la misère qu’il a subie. De loin et de prime abord, vous pourrez penser que c’est un modèle qui pose pour la circonstance, tant il a tout d’un être humain. Mais, Waka, même traduisant la réalité, parce que symbolisant la misère subie par un proche de son concepteur est une œuvre d’art qui expose le talent exceptionnel de celui qui est parti pour être un as du multimédia et des installations artistiques. « Waka, ce sont les deux premières syllabes du nom de celui qui m’a inspiré cette œuvre et à qui j’ai voulu rendre hommage », nous indiqué Klémagha Toussaint Dembélé.

A peine sorti du conservatoire, ce jeune artiste malien a décidé d’inscrire son nom en lettres d’or dans la catégorie des grands artistes plasticiens de ce pays. Au lieu de s’exprimer par la peinture, comme c’est de coutume dans notre pays, le jeune artiste sorti major de sa promotion en juin 2010, du Conservatoire de Bamako, s’est spécialisé dans le multimédia et les installations artistiques. Ses œuvres qui seront exposées jusqu’au 16 décembre 2010, au « Bla bla » à l’Hippodrome, sont de nature à nous rassurer que cet artiste n’a pas fait le mauvais choix. Son talent est d’autant plus impressionnant qu’il innove par l’utilisation du fil de fer. Imaginez l’ingéniosité qu’un artiste peut déployer pour faire des tableaux figuratifs avec des fils de fer. C’est ce qu’a fait, dans une parfaite réussite, Toussaint Dembélé alias Klémagha ou le nom de Dieu en langue Minianka.

Au « Bla bla » où il expose actuellement avec Amadou Sanogo, un autre jeune peintre malien non moins talentueux, les visiteurs n’auront aucune difficulté à remarquer la signature de Klémagha. « Waka », son œuvre emblématique qui trône avec beaucoup de fierté au « Bla bla », est un message artistique de la condamnation de l’immigration clandestine et de toutes les misères qui poussent la jeunesse africaine à se jeter sur les routes incertaines qui devaient les conduire vers un Eldorado qui n’existe en réalité nulle part, mais qu’ils croient trouver en Europe. « J’ai un ami d’enfance bijoutier de son état qui a tenté de s’exiler par voie terrestre en Europe.

Courage aidant, avec certains compagnons d’infortune, il est parvenu sur une plage espagnole, après avoir traversé le désert malien et le Maroc. Arrêté par les gardes côtes espagnoles, ils seront jetés dans le Sahara sans repère. Et, c’est après 4 jours de faim, de soif, mais surtout de marche, que les survivants de la bande vont arriver à un poste frontalier malien du côté de Taoudéni où le bijoutier sera secouru par un de ses amis devenu gendarme et en poste à la frontière », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter qu’il a décidé d’utiliser le fil de fer pour traduire la résistance de son ami. L’artiste a poussé la symbolique jusqu’à utiliser du fil de fer rouillé. « Comme la rouille finit par avoir raison du fil de fer le plus solide, le choc subi par mon ami bijoutier finira par le détruire un jour », a-t-il ajouté. « Waka » dont la position exprime la pose qu’il observe actuellement dans sa famille est assis sur une male qui symbolise selon l’artiste le sac du voyageur, mais contient le lecteur DVD qui permet de faire défiler des images sur l’écran du téléviseur, représentant la tête de « Waka ».

Intitulé aliénation, le film qui défile dans la tête de « Waka » traduit le traumatisme dont il a été victime. Là aussi, le fil de fer a été mis à contribution pour réaliser des images filmées où des maisons, le luxe, des voitures, des mobylettes et tous les biens éphémères de notre monde s’entrechoquent. « Aucun objet, mieux qu’un téléviseur ne pouvait symboliser la tête de Waka, pour la simple raison que c’est à travers lui que les jeunes Africains découvrent cette Europe où tout semble facile », a-t-il indiqué. A signaler que « Waka » est un élément d’une trilogie dont les deux autres sont : « Les guetteurs d’espoir » et « Le naufragé ». Réalisées avec du fil de fer, toutes ces œuvres traitent de l’immigration clandestine.

« Les guetteurs d’espoir » est un tableau qui représente trois jeunes derrière un mûr en grillage et qui cherchent la petite faille pour passer de l’autre côté. Quant à l’œuvre « naufragé », elle traduit l’un des grands risques qui hantent tous les émigrants clandestins : la noyade dans une mer déchaînée qui fait d’une bouchée les embarcations de fortune.

Assane Koné dans le Républicain (Mali), relayé par Maliweb

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