Pour l’évêque auxiliaire de Genève Mgr Farine, le texte de l’UDC comme le contre-projet sont inacceptables.
Habituellement discret lorsqu’il s’agit de politique, Mgr Pierre Farine, évêque auxiliaire de Genève et administrateur diocésain depuis le décès, en septembre, de Mgr Genoud, a tenu à faire entendre sa voix dans le débat sur les étrangers criminels qui déchire la Suisse. Il s’engage pour un double non le 28 novembre prochain.
Avec la Conférence des évêques suisses, vous appelez à voter non à l’initiative et au contre-projet. Il n’y a donc pas de problèmes avec les étrangers criminels?
Bien sûr qu’il y a des problèmes. II y a toujours eu des étrangers criminels en Suisse. Et nous les renvoyons. Déjà actuellement, des dispositions pénales prévoient d’expulser ceux qui ne respectent pas la loi. Nous ne nions pas l’existence de la criminalité chez certains étrangers, mais nous estimons que les dispositions actuelles suffisent. Là est toute la différence.
Il est plutôt rare d’entendre la Conférence des évêques prendre position sur une votation. Pourquoi l’Eglise s’engage-t-elle?
Il est vrai que les évêques s’engagent rarement sur les votations. Si nous le faisons cette fois-ci, c’est parce que nous considérons qu’avec l’initiative UDC et l’automatisme qu’elle induit concernant les décisions d’expulsion, la dignité de la personne humaine est en jeu.
En quoi la dignité humaine n’est-elle pas respectée?
Aujourd’hui, lorsqu’un étranger commet un crime grave, il est renvoyé. Seulement, chaque cas est jugé isolément et l’appréciation est laissée au juge. L’UDC veut introduire un automatisme inacceptable où le risque d’injustice est grand. Cette initiative est dure et impitoyable. Prenez par exemple un conjoint étranger qui commet un délit et qui serait marié à une Suissesse. S’il est frappé d’une décision de renvoi, c’est sa famille entière qui pourrait partir dans un pays qu’elle ne connaît pas. Cette façon de juger, ce n’est pas la Suisse.
Le contre-projet s’engage pourtant à respecter le droit international et la proportionnalité. Pourquoi le refuser?
Parce qu’il n’apporte rien face à ce qui existe déjà dans la loi. Le contre-projet ne fait que reprendre la jurisprudence actuelle et n’a pour but que de contrer l’initiative UDC afin de limiter les dégâts. Il est d’ailleurs rédigé dans le même esprit. On sent que le Parlement est allé le plus loin possible pour tendre la main à l’UDC.
Vous défendez les valeurs chrétiennes, tout comme le PDC et la Fédération des Eglises protestantes, qui appellent pourtant à voter le contre-projet. Vous faites de l’angélisme ou vous défendez des valeurs en perte de vitesse?
(Rires.) Non, nous ne faisons pas d’angélisme. Nous rappelons simplement certaines valeurs et incarnons une sensibilité chrétienne. Mais elle n’est pas absolue: si d’autres chrétiens choisissent une autre voie, nous pouvons le comprendre. Je dirai seulement à ceux d’entre eux qui ont choisi de voter oui à l’initiative que cette dernière peut bafouer les droits de l’homme. Que l’on peut certes avoir une position politique, mais que l’on peut aussi choisir une position éthique.
La montée du sentiment d’insécurité est réelle. Estimez-vous que les Suisses ont tort d’avoir peur?
Pas du tout. La peur ne se commande pas et il faut la respecter. Il est normal de se faire du cinéma. Mais on ne conjure pas la peur de l’étranger en l’excluant. Il faut aller vers l’autre et apprendre à vivre ensemble. Je constate d’ailleurs que les cantons à forte proportion d’étrangers ne sont souvent pas les plus sévères.
Avez-vous déjà rencontré des étrangers criminels sur le point d’être expulsés?
Oui, car je célèbre au moins une fois par année une messe à la prison de Champ-Dollon, à Genève.
Que leur avez-vous dit?
Vous savez, la plupart d’entre eux se rendent compte qu’ils ont commis des délits graves et acceptent la décision. Ils ne peuvent pas ne pas payer.
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