Pour la conseillère fédérale socialiste, la campagne sur le renvoi des criminels étrangers montre que la Suisse n'a pas été assez exigeante envers les immigrés. Mais, estime-t-elle, «punir ne suffit pas, il faut aussi prévenir les problèmes.
C'est ce qui s'appelle le baptême du feu. Depuis son entrée au Conseil fédéral, le 1er novembre, la socialiste Simonetta Sommaruga se bat contre l'initiative UDC «Pour le renvoi des criminels étrangers», qui exige l'expulsion automatique des auteurs de certains crimes et délits (meurtre, viol, abus aux assurances sociales). La Bernoise défend le contre-projet élaboré par le parlement, qui prévoit l'expulsion en cas de peine de prison d'un an au moins, mais sans automatisme. Interview. En renvoyant un étranger criminel, on le punit une deuxième fois.
Comme femme de gauche, vous n'êtes pas gênée?
Simonetta Sommaruga: L'initiative et le contre-projet ne touchent que les étrangers qui ont un droit de séjour. Or, un Etat qui donne un droit, peut toujours le retirer en cas d'abus, à certaines conditions claires évitant l'arbitraire. Je n'y vois pas d'injustice. Un violeur suisse représente-t-il moins un danger pour la sécurité qu'un violeur étranger? C'est justement pour cela que le contre-projet fixe des critères clairs. L'expulsion ne peut pas être décidée pour une infraction mineure. Les droits fondamentaux et la Constitution, en particulier le principe de proportionnalité, doivent être respectés. Avant de décider d'un renvoi, les autorités doivent encore considérer si l'étranger est né en Suisse ou s'il y vit depuis longtemps.
L'initiative, au contraire, prévoit le renvoi automatique des criminels étrangers, sans faire de nuance. Si elle était acceptée, un étranger pourrait être renvoyé dans un pays où il n'a jamais vécu et dont il ne maîtrise même pas la langue. L'initiative UDC a récolté plus de 200 000 signatures en quelques mois. Le parlement lui a opposé un contre-projet. N'est-ce pas l'aveu des autorités qu'elles ont été laxistes?
La grande majorité des étrangers qui vivent ici ne pose aucun problème. Le succès de l'initiative illustre malgré tout un malaise dans la population, peut-être pas très concret, mais qui doit être pris au sérieux. C'est ce que fait le contre-projet. Reste que punir ne suffit pas, il faut aussi prévenir les problèmes. Raison pour laquelle le contre-projet prévoit un article sur l'intégration. Fribourg expulse 5 étrangers criminels par an, le Valais et Neuchâtel une dizaine.
Ces cantons sont-ils laxistes?
Nous ne voulons pas d'objectifs chiffrés. Mais les gens ne comprennent pas qu'un étranger puisse être expulsé dans un canton, et pas dans un autre. C'est pourquoi le contre-projet harmonise leurs pratiques.
Vous sentez un malaise dans la population. La Suisse s'est-elle fourvoyée dans sa politique des étrangers?
Je ne le dirais pas comme ça. Mais pendant plusieurs dizaines d'années, la Suisse est allée chercher à l'étranger des travailleurs saisonniers qui repartaient ensuite chez eux. Lorsqu'on a aboli le statut de saisonnier, on n'a pas assez pris conscience du fait que les étrangers allaient rester ici et qu'il faudrait d'autres mesures d'intégration. Par exemple, on ne les a pas suffisamment encouragés à suivre une formation professionnelle.
En clair, nous n'avons pas été assez exigeants!
Oui. Pas assez exigeants dans le domaine de la langue, particulièrement auprès des femmes étrangères. On ne l'a pas été en partie par désintérêt pour les étrangers, et en partie à cause d'une certaine réticence à poser des conditions. Les responsables politiques ont fait preuve ici d'une certaine négligence dont nous sentons aujourd'hui les effets. Comme ancienne parlementaire, j'admets ma part de responsabilité.
Propos recueillis par Serge Gumy dans la Liberté. Photo Alain Wicht
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