La campagne sur les étrangers criminels bat son plein. Avec d’un côté l’initiative de l’UDC, de l’autre, le contre-projet du Parlement élaboré sous l’impulsion du PLR et du PDC et défendu par le Conseil fédéral. Ce jeudi, c’est le comité qui prône le double non, constitué des Verts et d’ONG, qui sort du bois. Alors que le PS se fait discret. Christian Levrat se justifie.
Le Temps: Le PS, divisé, est totalement absent de la campagne sur les étrangers criminels. Vous baissez déjà les bras, défaitistes et résignés?
Christian Levrat: Nous ne sommes pas absents. Mais concentrons notre engagement sur l’initiative de l’UDC elle-même. Elle est contraire aux engagements internationaux de la Suisse et n’apportera strictement rien à la lutte contre la criminalité, que celle-ci soit indigène ou importée. Il importe qu’elle soit rejetée. Et sur ce point, nous sommes tous d’accord.
– Votre argument de dire que vous menez en premier lieu campagne pour votre initiative sur la justice fiscale, également soumise en votation le 28 novembre, n’est-il pas qu’un pur prétexte pour masquer un réel malaise?
- Il n’y a pas de malaise, et il est normal que nous défendions en premier lieu nos propres propositions, plutôt que de courir après l’UDC en permanence. Aujourd’hui, les abus de la concurrence fiscale détruisent notre fédéralisme.
– Au parlement, le PS a soutenu le contre-projet pour éviter que le texte de l’UDC passe seul en votation et fasse un raz-de-marée. Mais le comité directeur prône le deux fois non. Votre base comprend-t-elle ce grand écart?
- Nous étions partagés au parlement déjà. Le contre-projet émane des radicaux et des démocrates chrétiens, qui croyaient devoir faire un pas vers l’UDC pour contrer l’initiative. Certains élus du PS ont apporté leur soutien à cette opération, à la condition que le texte renforce également nos efforts en matière d’intégration. Ils ont obtenu gain de cause et le texte a été modifié. Aujourd’hui, nous avons un contre-projet qui reprend au moins partiellement la logique de l’initiative, mais qui l’assortit de dispositions destinées à favoriser l’intégration des étrangers. Ces dernières restent, il est vrai, assez vagues.
– Qu’est-ce qui vous gêne le plus dans le contre-projet?
- Avec le contre-projet, les partis du centre-droit voulaient diminuer les chances de succès de l’initiative. Je crains qu’ils ne produisent précisément l’effet inverse, et qu’ils finissent par valider le discours de l’UDC. A mon avis, c’est un autogoal politique. Dès lors, à titre personnel, je vais refuser aussi bien l’initiative que le contre-projet. Même si j’admets que l’on puisse avoir sur ce dernier point des positions divergentes.
– N’y a-t-il pas un risque, en prônant le deux fois non, de favoriser l’initiative de l’UDC?
- L’initiative UDC est dangereuse, parce qu’elle apporte une réponse simpliste à un problème sérieux. Et elle l’est d’autant plus que le contre-projet lui donne une certaine légitimité. La responsabilité de ceux qui ont choisi cette stratégie est grande. Je crois qu’il aurait été plus intelligent de déconstruire le discours de la droite dure, d’expliquer point par point que la législation actuelle est suffisante. Mais aujourd’hui, et quoi qu’on en pense, nous devons nous prononcer sur ce contre-projet. Et j’espère que les partisans du double non seront suffisamment clairvoyants pour donner, dans la question subsidiaire, la priorité à celui-ci. L’abstention n’est pas une option.
– La situation actuelle, avec des pratiques très différentes dans les cantons, est-elle à vos yeux satisfaisante? Ne faudrait-il pas davantage durcir la pratique vis-à-vis des criminels pour se montrer plus ouverts vis-à-vis de ceux qui veulent s’intégrer?
- Bien sûr, les criminels devraient être renvoyés. Et les étrangers corrects soutenus pour s’intégrer. Tout le monde sera d’accord. C’est du reste ce que prévoit la loi actuelle. La vraie question est la suivante: qui décide? Nous voulons une décision au cas par cas, qui tienne compte de la gravité des délits, de la situation réelle des gens, du pronostic posé par le juge pour le futur. Tout le droit pénal et administratif repose sur cet examen individuel. Or l’initiative prévoit un automatisme absolu. Et le contre-projet va dans le même sens, même s’il mentionne le respect de la proportionnalité. S’agissant des cantons, juste un mot: croyez-vous vraiment que la situation soit meilleure dans les cantons qui pratiquent une politique de renvoi systématique? Il me semble que ce sont justement Zurich ou St Gall qui connaissent les problèmes d’intégration les plus importants.
Un article de Valérie de Graffenried dans le Temps
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