Les policiers français ont empêché 12.000 étrangers d'embarquer pour la France depuis début 2010.
Ce sont des clandestins virtuels. S'ils n'avaient pas été arrêtés avant d'embarquer pour la France avec de vrais faux passeports, des visas falsifiés ou des titres de séjour de pacotille, ils seraient venus grossir les rangs des sans-papiers ou des étrangers arrêtés à l'aéroport et placés en zone d'attente le temps d'une procédure longue, pénible souvent, et coûteuse. Entre janvier et juillet, 12.000 personnes ont ainsi été interceptées à l'étranger par des policiers français déployés dans 150 pays. Ces fonctionnaires sont particulièrement présents en Chine, en Afrique de l'Ouest, ou encore au Brésil ou en Égypte, devenus des lieux de transit pour les candidats à l'exil.
Ce dispositif de contrôle n'est pas nouveau. Mais il a été renforcé à la demande d'Éric Besson, ministre de l'Immigration, qui présente ce matin son bilan intermédiaire. Quatre-vingt-treize attachés de sécurité intérieure (qui dépendent des ambassades) veillent au contrôle en amont de l'immigration irrégulière. Dans les pays particulièrement sensibles, des policiers appelés «officiers de liaison» travaillent directement dans les aéroports, vérifiant les contrôles réalisés par les compagnies aériennes et les autorités locales. «Nous détectons chaque année près de 5000 faux documents», explique Émile Perez, directeur de la Coopération internationale (DCI), qui rassemble des policiers et des gendarmes. Les Français testent également la réalité des «liens familiaux» invoqués par le voyageur. Par exemple, le frère auquel il doit rendre visite mais dont il ignore l'adresse. «Il y a beaucoup de victimes des réseaux d'immigration clandestine parmi les étrangers que nous stoppons», poursuit Émile Perez.
S'ils ont des doutes, les policiers laissent la personne embarquer mais alertent la police aux frontières (PAF). Autrement, ils suggèrent aux compagnies aériennes comme aux douaniers locaux d'écarter les passagers irréguliers. Leur avis n'est que consultatif. Mais les compagnies aériennes, qui encourent une amende de 5000 euros lorsqu'elles faillissent à leur devoir de contrôle, le suivent en général.
Le nombre de personnes ainsi interceptées à l'étranger est en constante augmentation : 11.000 en 2008 et 20.000 attendues cette année. «Nous avons affiné notre stratégie, en établissant avec la PAF les routes privilégiées par les réseaux. Il faut être très mobile et déplacer les agents pour filtrer au bon endroit», explique encore le directeur de la Coopération. La simple présence des officiers français réduit, semble-t-il, la corruption dans certains aéroports.
Ce filtrage à la source a fait chuter le nombre de personnes retenues à leur arrivée en France, passé de 23.000 en 2001 à 16.500 en 2009. Les placements en zone d'attente, ces lieux de rétention dans les aéroports, les gares, les ports, diminue également. Beaucoup d'étrangers demandaient alors l'asile, devenant inexpulsables le temps que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue sur leur cas.
«En stoppant l'immigration clandestine dès le pays d'origine, on évite beaucoup de difficultés», estime-t-on au ministère de l'Immigration. Les reconduites à la frontière restent délicates. Humainement, mais aussi techniquement. Sur 100 personnes interpellées en situation irrégulière, un quart «seulement» sont reconduites, selon le ministre. La loi sur l'immigration, qui sera débattue à l'Assemblée à la fin du mois, prévoit de réformer la procédure pour la rendre «plus efficace» . Mais elle suscite l'opposition des associations. Un bras de fer chronique qui renforce Éric Besson dans sa conviction que l'immigration irrégulière doit se combattre dès les pays d'origine et aux frontières de l'Europe.
Cécilia Gabizon dans le Figaro
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire