Une éventuelle interdiction du voile intégral en Suisse menacerait la place touristique genevoise, qui accueille chaque été nombre de ressortissants des pays du Golfe et du monde arabe. C'est du moins l'avis du conseiller d'Etat en charge de l'Economie, Pierre-François Unger, qui déclarait récemment à la presse qu'une telle mesure «aurait des conséquences économiques directes, car ces touristes ne viendraient tout simplement plus».
En 2009, les pays du Golfe constituaient la cinquième région de provenance des touristes à Genève. Pour les hôtels, cette clientèle représente quelque 5,6% de part de marché, sur la base des nuitées enregistrées. Après l'initiative sur les minarets, l'an passé, ce nouveau débat focalisé sur les musulmans préoccupe ainsi Genève Tourisme, chargé de promouvoir la cité du bout du lac à l'étranger. «Notre objectif est de pouvoir accueillir toute personne dans les meilleures conditions, quelle que soit sa confession», relève Joëlle Snella, attachée de presse. «Toutefois, il ne semble pas y avoir de conséquences directes pour l'instant.» Quoi qu'il en soit, la question d'une «exception touristique» à l'interdiction du niqab a déjà été évoquée. Notamment par la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, alors même que le Conseil fédéral, dans sa position officielle, stipule que distinguer «les femmes musulmanes résidant en Suisse et les touristes étrangères ne semble guère praticable et ne serait pas sans poser des problèmes au regard du principe de l'égalité de traitement». Hostile à l'interdiction, la conseillère nationale socialiste Maria Roth Bernasconi abonde: «C'est d'une grande hypocrisie. On ne veut surtout pas perdre ces touristes fortunés, tout en continuant à stigmatiser le reste des musulmans.» Salika Wenger, conseillère municipale A gauche toute, suit le même raisonnement, bien qu'étant une partisane convaincue de l'interdiction du voile intégral pour des raisons de laïcité: «C'est le comble! Soit on est contre le niqab, soit pas. Cela montre, du côté de certains partisans d'une interdiction, que la véritable cible n'est pas le voile intégral, mais l'islam.» Le libéral genevois Christian Lüscher n'est pas de cet avis: «Interdire le voile intégral est une fausse solution à un faux problème, et j'y suis opposé. Cela dit, si cette mesure devait être adoptée, elle ne devrait s'appliquer qu'aux résidents. Dans l'esprit de ses partisans, cette initiative vise à répondre à un problème d'intégration. Or les touristes n'ont pas pour vocation de s'intégrer!» Issue du même parti, Martine Brunschwig Graf ajoute: «La question ne doit pas se poser en termes économiques. Est-ce que la Suisse peut juger des pratiques vestimentaires d'une personne de passage? Non, sauf si elles remettent en cause l'ordre public. Or il me semble que les encagoulés du Black Bloc posent plus de problèmes que quelques femmes en burqa.»
Mario Togni dans le Courrier
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