Le Zurichois de 49 ans s’est imposé en quelques mois à la tête de l’Office fédéral des migrations (ODM). Ses phrases chocs sur les requérants nigérians ont fait de lui l’archétype du raciste anti-Noirs. Il assume et s’explique. Un article de Xavier Alonso, Berne, dans 24 Heures.
«Je ne sais pas si être marié à une Congolaise me donne une légitimité, mais cela me donne l’envie de parler clair. J’aime que les Africains soient bien intégrés. J’aime l’Afrique, je m’y sens aussi chez moi!» Alard du Bois-Reymond, le nouveau directeur de l’Office fédéral des migrations (ODM), revendique le parler vrai. Et l’applique. C’est lui qui a déclaré, à la mi-avril, que 99,5% des requérants nigérians utilisent la filière de l’asile pour s’adonner à des activités illégales, dont le trafic de drogue.
Avec cette seule déclaration, l’économiste de 49 ans est devenu l’homme du printemps de la politique fédérale. Le protagoniste d’une polémique anti-Noirs. Amnesty International s’est indigné. Et le Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noirs (CRAN) a exigé sa démission et parlé de «xénophobie d’Etat». Pour le coup, cet ex-délégué du CICR, qui a sillonné l’Afrique, de l’Ethiopie au Nigeria, passe aux yeux de certains milieux humanitaires pour le raciste No 1 de Suisse. «C’est particulier à vivre. Mais cela ne me touche pas beaucoup. On en rigole beaucoup avec ma famille africaine, que je vois souvent à Paris», rétorque Alard du Bois-Reymond.
De l’humanitaire à la migration
Car celui qui est à la tête de l’ODM depuis janvier seulement n’en démord pas. «Ce qui est grave, c’est de ne pas parler de certaines choses», souligne le fonctionnaire, mettant en avant un discours qu’il veut honnête et factuel. Ces méthodes chocs, l’homme les appliquait déjà lorsqu’il dirigeait, de 2005 à 2009, l’assurance invalidité (AI). Fin 2009 encore, il avait lancé une campagne d’affichage jugée scandaleuse. Le slogan «Vous ne verrez jamais les handicapés au travail» voulait briser les tabous par la provocation.
«Quand les gens vous disent: «Je ne vois pas ton handicap, je ne vois que ta personne», je sais que ce n’est pas vrai: je suis fils de handicapé!» raconte Alard du Bois-Reymond. Son père, engagé dans la Wehrmacht pendant la Seconde Guerre mondiale, a perdu l’usage des deux jambes en sautant sur une mine. D’origine neuchâteloise, la famille du Bois-Reymond s’était établie à Berlin au XVIIIe siècle, contrainte à l’exil lorsque le canton était passé de la Prusse à la Confédération helvétique.
«On voit d’abord la couleur de sa peau»
«Mon aïeul, royaliste, était ministre auprès de la cour de Prusse!» explique Alard du Bois-Reymond dans un français mâtiné d’accent germanique. C’est finalement le grand-père de l’actuel patron de l’Office des migrations, toujours détenteur de la nationalité suisse, qui est venu s’installer à Zurich à la fin de la guerre et a ainsi mis fin à l’exil.
Entre le parcours personnel d’Alard du Bois-Reymond et son histoire familiale, il y a comme des résonances. Mais davantage qu’aux illusions du destin «et du hasard», cet homme à l’allure de barbouze s’appuie sur les faits. Et les sentiments qu’il a pu éprouver personnellement en font partie. Aussi, il relie l’hypocrisie qui règne autour du handicap à celle liée aux étrangers. «Je l’ai vécu avec ma femme, raconte-il mi-amusé, mi-affligé. «Ah, tu es Noire? Je n’avais pas fait attention!», s’entend-elle dire parfois. Il faut être honnête. On a tous ces réflexes: on voit d’abord la couleur de sa peau. Et ce n’est pas être raciste de le dire. Ce qui est grave, c’est quand on ne la prend pas au sérieux parce qu’elle est Noire.»
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