Articles de Yasmina Hamlawi
L’exil : de l’honneur à la mort
Le Maroc est devenu un cul-de- sac pour les migrants en quête d’une vie meilleure en Europe. Des Nigérians se nourrissent de cette misère humaine pour s’adonner à divers trafics.
Le Maroc est devenu au fil des décennies un point de passage privilégié, charriant des dizaines de milliers de migrants principalement originaires d’Afrique subsaharienne et rêvant de se reconstruire en Europe. Le Royaume chérifien était, jusqu’à récemment, un pays de départ ou de transit, une étape d’un voyage long et périlleux vers un autre avenir. Mais, alors que les pages de la politique migratoire européenne s’écrivent, le Maroc est aujourd’hui devenu un cul-de-sac pour les candidats à l’émigration.
En contrepartie de son investissement pour bloquer les mouvements de populations subsahariennes, le Maroc a obtenu des aides européennes non négligeables, soit 654 millions d’euros entre 2007 et 2010. Les organisations marocaines de défense des droits de l’homme s’en indignent, lui reprochant d’être "le gendarme ou l’arme de régulation de l’Europe". Les responsables marocains préfèrent, quant à eux, garder le silence sur un dossier bien trop encombrant.
Les chiffres officiels font état de 10.000 à 15.000 migrants bloqués au Maroc, principalement originaires du Mali, du Sénégal, de Gambie, du Congo ou du Libéria. Difficile de donner un chiffre exact pour une population mobile qui évolue dans le cadre d’un système parallèle. Le nombre étonne néanmoins par sa faiblesse comparativement à la polémique qui a saisi le pays ces dernières années. "En réalité, le nombre de migrants aux frontières est presque insignifiant : c’est une véritable instrumentalisation. Nous sommes une carte politique, que ce soit pour le Maroc ou pour l’Europe", explique Fabien Yene, originaire du Cameroun. Au Maroc depuis plus de six ans, il milite pour qu’on redonne le statut d’être humain aux migrants clandestins "qui ne sont pas des criminels mais des personnes sans papiers, sans travail et sans droits".
La politique restrictive et répressive de "bouclage" des frontières, menée par les pays de l’Union européenne, a eu comme résultat prévisible d’enfermer à l’intérieur même du Maroc les candidats à l’émigration. Ils se retrouvent contraints de rester pour des périodes relativement longues dans une Afrique du Nord qui les dénigre, attendant qu’une occasion de traverser se présente. Malgré le mur invisible, très peu abandonnent leurs rêves. Abdullah a versé 150 euros à un passeur à Nador, au nord-est du Maroc. Une somme colossale qu’il aurait eu du mal à réunir sans les bijoux que sa grand-mère, restée au Sénégal, lui a cédés. Il n’a jamais revu le passeur autoproclamé, ni le zodiaque qui devait le conduire de "l’autre côté" du détroit de Gibraltar.
Comment imaginer rentrer au pays quand toute la famille compte sur l’argent qu’il pourrait envoyer d’Europe ? "Djom, c’est l’honneur, c’est très important chez nous. On ne peut pas rentrer chez nous les mains vides, sans rien pour nos familles." Un code d’honneur qui lie la destinée de nombreux migrants aux routes qui devaient leur faire quitter la pauvreté, le chômage et la corruption mais qui ne les a menés qu’à une impasse. "Le jour du départ, on est le teranga de nos parents, leur fierté. Nous sommes considérés comme des braves, ceux qui se donnent en sacrifice à leurs parents. Nous sommes prêts à donner nos vies et même nos âmes à nos familles, pour qu’elles mangent", ajoute Boubakar.
L’omniprésence des patrouilles côtières, le renforcement des contrôles aux frontières ne parviennent pas à détricoter les rêves des exilés, mais les poussent vers d’autres routes plus longues, plus périlleuses encore. Quelques jours plus tard, Abdullah partait rejoindre la Libye pour tenter un passage que les côtes trop bien protégées du Maroc rendent improbable.
En faisant de l’Europe une zone sous haute surveillance, les politiques migratoires actuelles n’ont pas eu l’effet dissuasif escompté, mais des effets pervers meurtriers, dont celui de nourrir les réseaux parallèles d’exploitation de la misère humaine - réseaux clandestins de prostitution, de passeurs, de traite.
C’est dans l’une des bâtisses nées sur les décombres des anciens bidonvilles de Dar Koura, dans la banlieue de Rabat, que vit Erik M., dit "le prophète", l’un des chairmen de la communauté nigériane. Sa garde rapprochée fait le pied de grue aux pieds des bâtiments et veille discrètement aux allées et venues dans la cité populaire. L’appartement a été transformé en lieu de culte : des tapis jetés au sol, des guirlandes de fleurs aux murs, un piano installé dans un coin pour accompagner les offices. La nuit, l’appartement s’ouvre à tous les "frères et sœurs nigérians" sans refuge ou nouvellement arrivés sur le territoire marocain. Une trentaine de personnes - femmes, hommes et enfants confondus - dorment alors sur des couvertures et se partagent ces 40 m2. Au petit matin, ils plient leurs couches et se séparent, les hommes se posteront sur les lieux d’affluence afin d’y mendier, tandis que les femmes vendront leur corps en échange de quelques pièces. Tous doivent verser une partie de leurs gains au chairman, aucune dérogation n’étant permise sous peine de sévères représailles allant du bannissement du clan jusqu’à la mort.
Erik M. justifie sa présence au Maroc sur un ton prophétique : "J’ai entendu la voix de Dieu qui m’a demandé de venir, ici, au Maroc, pour aider et guider les miens. Sans eux, je rentrerais chez moi, il n’y a rien à faire ici, et je ne rêve pas d’Europe." Il se tait scrupuleusement sur ses activités les plus lucratives. L’ethnie Ibo, la troisième la plus importante du Nigéria, à laquelle il appartient, est considérée comme très active dans les réseaux clandestins de trafic de drogue, de passeurs et de prostitution dans le centre-ouest africain. Très organisé, ce réseau s’est fermement établi sur les points de passage des migrants et se nourrit des mouvements migratoires, faisant du Nigeria une plaque tournante de ce trafic.
Au Maroc, plusieurs chairmen, organisés en hiérarchie et par région, se partagent l’autorité qu’ils asseyent sur un bras armé et des tribunaux. La mainmise est telle que la police marocaine évite les quartiers nigérians.
Elise se tient devant le chairman qui aujourd’hui officie comme juge et arbitre d’un conflit opposant son ancien protecteur à un nouveau prétendant. Sous ses plus beaux atours, la tête baissée, elle assiste à son propre rachat. Les négociations sont lancées. Les discussions houleuses s’achèveront sur la somme de 1000 euros. Liée à son nouveau protecteur, qui devient, dans une relation ambiguë, son compagnon et proxénète, Elise se soumet. Les femmes prises dans les réseaux espèrent pour beaucoup être transférées en Europe et y trouver une chance de fuir. Pour l’heure, la loi du silence leur impose de se taire.
Tandis que les Européens se parent d’un éventail d’outils de coercition, la saison migratoire s’achève. Les seuls chiffres relatés dans la presse et relayés par des associations font état de 14.804 personnes mortes aux frontières européennes depuis 1988, dont 10.817 en mer Méditerranée et dans l’océan Atlantique, alors qu’elles tentaient de rejoindre l’Europe.
Source : www.lalibre.be
Le 30 décembre 2009
Réfugiés sans refuge
Le Maroc est un laboratoire de la politique migratoire européenne. Signataire de la convention de 1951, il ne reconnaît pas le statut de réfugié.
Originaires de la République démocratique du Congo (RDC), du Tchad, de Côte d’Ivoire ou du Libéria, les personnes réfugiées au Maroc, dans un mouvement quasi unanime, exigent d’être réinstallées dans un pays tiers. Confrontées au racisme, sans ressources, elles reprochent au Haut commissariat aux réfugiés (HCR) de ne pas préserver leur intégrité physique et leur dignité.
Fuyant des violences, des persécutions ou la guerre civile dans leur pays d’origine, certains rêvent de rejoindre l’Europe. D’autres ont été malmenés de pays en pays par les circonstances avant d’aboutir en Afrique du Nord.
Ce passé de douleur et de sang qu’ils partagent leur vaut d’être reconnus par le HCR comme "vulnérables" et donc placés sous le statut de réfugié. Pourtant, le Maroc dénie leur statut international de personnes protégées et les emmure dans la clandestinité et la misère. "Pas de travail, pas de soins médicaux légaux, pas de respect, pas de libre circulation Nous sommes clandestins alors que nous avons la carte de réfugié", explique Stéphane Gnako Yechi, l’un des porte-parole des réfugiés.
Bien que le Maroc soit signataire de la Convention internationale de 1951 relative au statut des réfugiés, il n’a pas élaboré de politique d’intégration et de protection des réfugiés et demandeurs d’asile. Ceux-ci sont assimilés à des migrants en situation irrégulière, sans papiers et, par conséquent, sans droit.
L’un des motifs de la confusion tient au fait que les réfugiés empruntent les mêmes routes, les mêmes transports et payent les mêmes passeurs que les migrants dits "économiques", qui quittent leurs pays volontairement pour de meilleures conditions de vie.
Mabiala Nsamuambote avait 15 ans lorsqu’il est arrivé, fuyant les brutalités des milices en RDC. Il réclame sa réinstallation dans un pays européen, pour une meilleure protection de ses droits : "Au Maroc, nous sommes comme des gens enfermés dans une bouteille. J’ai passé 5 années au Maroc et je n’ai aucun avenir ici. Les autorités marocaines nous l’ont démontré durant ces années, elles ne veulent pas intégrer les réfugiés et nous donner des titres de séjour."
Selon Chadi Sidhom, du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme, le refus officiel du Maroc d’intégrer les réfugiés tient à des réalités socio-économiques. Le Maroc avance un taux de chômage élevé - au-delà de 15 % selon les sources les plus réalistes - pour renvoyer aux calendes grecques un dossier difficile. L’argument tourne court en regard du faible nombre de réfugiés sur le sol marocain : "Ce ne sont pas 800 réfugiés qui vont chambouler le marché de l’emploi", dit-il.
La loi n°02-03 a pourtant posé un premier jalon vers une reconnaissance. Datant de 2003, elle aborde certains droits : interdiction des expulsions des réfugiés ou demandeurs d’asile, protection des femmes enceintes et des mineurs, droit de recours. Elle évite cependant avec soin le droit au travail. Aucun processus de ratification n’ayant vu le jour, le texte législatif est resté lettre morte, et avec lui les droits protégés.
Fiston Masamba, réfugié de RDC, se considère comme prisonnier. Alors qu’une reconnaissance par le HCR devrait donner accès aux soins, au travail, à une carte de séjour et à un titre de voyage, "les réfugiés au Maroc vivotent, ils n’ont pas accès au travail, ils sont réduits à vivre comme des parasites dans cette société qui ne les accepte pas vraiment".
Pour Johannes van Klaauw, représentant du HCR au Maroc, la situation s’est sensiblement améliorée depuis que le HCR a pu officialiser sa présence. Les réfugiés ont quitté les abris des forêts de Gourougou et de Bel Younesh pour partager des appartements dans les quartiers populaires de Rabat ou Casablanca, où ils sont mieux protégés contre l’expulsion.
En matière d’asile, les pays européens parlent de "principe de partage des responsabilités" pour transférer aux pays du Maghreb une partie de l’accueil des demandeurs d’asile. Cette politique du "partage du fardeau" ou "d’externalisation", telle que la dénoncent les associations de droits de l’homme, se construit avec le soutien du HCR qui estime que "des pays africains beaucoup plus pauvres accueillent beaucoup plus de réfugiés".
Selon les organisations défendant les droits des réfugiés, 80 % des réfugiés sont pris en charge dans les pays pauvres. L’Europe n’en accueillerait qu’environ 5 %. Face aux tensions, le HCR demande de la patience et évoque un possible engagement du gouvernement marocain ces prochains mois.
Loin des tables ministérielles, les réfugiés pensent en termes de survie. Très peu ont réussi à obtenir des petits emplois informels. Les autres sont poussés à des extrémités pour obtenir de quoi se nourrir et payer leurs loyers. Mabiala Nsamuambote raconte un quotidien pénible : "Pour survivre, les hommes mendient devant les mosquées, et les femmes se prostituent, c’est comme une obligation pour les femmes de se prostituer. Certaines se prostituent parfois pour un pain ou un dirham" (1 € = 10 dirhams). Un réfugié à ses côtés ajoute à voix basse : "Certains hommes se prostituent aussi, quand ils n’ont plus le choix "
Face à ces revendications, Johannes Van der Klaauw renvoie les Etats à leur responsabilité : "Seulement 1% des réfugiés dans le monde est réinstallé dans des Etats tiers en cas de persécutions graves avérées ou de tortures."
Jusqu’à présent, les yeux restent fermés sur les violences sexuelles et raciales que subissent les femmes réfugiées. Mme M. a fuit la RDC, mais elle était loin de s’imaginer que le Maroc ne serait guère un refuge. "On nous refuse le travail car nous n’avons pas de titre de séjour". Son regard triste se porte sur ses quatre enfants qui jouent autour d’elle. "Alors, le soir, je dois sortir pour nourrir mes enfants, j’utilise des préservatifs, mais je suis quand même tombée enceinte. Je suis seule, si je ne sors pas la nuit, mes enfants ne mangent pas." Avant de poursuivre à bout de nerfs, "on est ici nombreuses nombreuses avec les enfants à devoir faire ça !"
Le non respect des droits des réfugiés ou les menaces envers leur intégrité physique n’ont pas empêché l’Europe de faire du Maroc le laboratoire de l’externalisation de leur politique migratoire. L’installation des réfugiés dans des pays plus sûrs reviendrait pour l’Europe à avouer l’échec d’une politique qui se construit davantage sur un "fantasme d’invasion" que sur les réalités de terrain.
Source : www.lalibre.be
Le 31 décembre 2009
Migrations: L’innocence cède le pas à l’instinct
Le Maghreb est un des points de passage entre pays pauvres et pays développés. Dans le port de Tanger, les ferries chargent et déchargent des camions affrétés. Dès l’aube le va-et-vient incessant résonne au sein de cette plaque tournante du trafic maritime.
Entre les files de camions prêts à s’engloutir dans les cargos, quelques ombres se faufilent à la recherche de la meilleure cache au-dessus des roues de camions, elles y resteront repliées sur elles-mêmes le temps de la traversée jusque l’Eldorado européen.
Désignés comme les "haraga", les brûleurs de leurs papiers, de leurs identités et de leurs anciennes vies, n’espèrent plus que l’ailleurs. Leur présence est connue de tous. Employés du port, dockers, forces de la Sûreté nationale, tous les croisent dans la cacophonie portuaire et son désordre organisé. On les tolère, les ignore et parfois même on leur témoigne une certaine empathie. Beaucoup les considèrent comme un nouveau genre d’aventuriers qu’une société inégalitaire a engendré.
"La police a bien compris qu’il ne servait à rien de les arrêter. Beaucoup de Marocains cherchent à rejoindre l’Europe; comment les dissuader de risquer leur vie pour échapper à la misère, alors que rien n’est fait pour endiguer le chômage", explique, sous couvert d’anonymat, un employé du port.
Les "haraga" s’organisent par trois, profitant de l’attention portée sur celui qui se fait intentionnellement prendre, les deux autres se faufilent à l’intérieur d’un ferry. Celui qui a créé la diversion fera partie du prochain voyage.
La présence des forces de police est discrète, quelques agents sont parfois soudoyés pour que leurs regards se détournent, jusqu’à ce que survienne l’incident mortel. "Il arrive qu’un homme tombe du camion et se fasse écraser", poursuit l’employé. Alors, sous la pression médiatique et politique, les forces de l’ordre pourchassent et emprisonnent tous ceux qui rôdent sur le port, "ils ne restent jamais longtemps en prison, pour quelle raison les garder ? Parce qu’ils rêvent de mieux ?"
La pression finit toujours par se relâcher et, de nouveau, ces visages dont les yeux disent la fièvre d’Europe côtoient les flans des camions et des ferries.
A deux cents mètres de l’embarcadère, d’anciens remparts enserrent le port. Juchés sur ces murs, quelques poignées d’adolescents débraillés, dont les plus jeunes ont moins de 10 ans, narguent les services de sécurité chargés de protéger les camions gonflés de marchandise.
Brahim, l’un des gardes du parking, déplore une situation sans issue : "Ils nous tombent dessus en bande, nous menacent avec des poignards, des sabres, alors que nous ne sommes que deux pour protéger un périmètre aussi grand."
L’innocence juvénile de ces enfants et adolescents a fait place à l’instinct de survie avec toute la violence qu’il peut comporter. La nuit, ils deviennent maîtres du port et n’hésitent pas à utiliser des armes blanches pour éloigner les services de sécurité et éventrer les camions. Ils revendent leur butin pour se nourrir, payer leur passage ou alimenter la forte corruption qui gangrène les forces de l’ordre.
Pour Brahim, ces jeunes jouent le tout pour le tout, "ils savent qu’en tant que mineurs, ils ont peu de chance d’être expulsés d’Europe et sont décidés à tout supporter pour rejoindre l’autre côté de la Méditerranée".
L’Espagne compte aujourd’hui 3.000 à 5.000 mineurs étrangers non accompagnés; depuis une dizaine d’années, elle est la destination privilégiée de mineurs principalement originaires du Maroc. Un accord de réadmission des mineurs isolés a récemment été conclu entre ce pays et le Maroc, dans l’espoir d’accélérer les rapatriements. Même si l’accord n’a pas encore été ratifié, la pratique s’est mise en place.
Les associations de défense des droits de l’enfance dénoncent cependant les lacunes du Maroc qui n’a ni la capacité ni les procédures nécessaires pour prendre en charge les enfants rapatriés, que ce soit pour les identifications, la recherche des familles, ou encore s’assurer que les familles puissent accueillir matériellement et psychologiquement des enfants qui, après plusieurs années en Espagne, n’ont gardé aucun lien avec le pays d’origine.
Le gouvernement espagnol tente de contourner ces difficultés en finançant des centres d’accueil pour mineurs rapatriés à Tanger, Beni Mellal ou Nador.
L’immigration appelée en renfort dès les années 60 pour les grands chantiers européens participe de façon inattendue au processus de la migration clandestine actuelle. Les Marocains émigrés de retour au pays d’origine y influencent la conscience locale vers un mythe de l’émigration; la Belgique est ainsi tout particulièrement liée aux villes d’Oujda et de Nador, région dont est originaire une grande part de l’immigration clandestine, mais qui, quelques décennies auparavant, avait envoyé ses ressortissants comme mains-d’œuvre.
L’histoire migratoire liant le Maroc à l’Italie est, quant à elle, plus récente. Pourtant, l’Italie n’échappe pas au phénomène d’influence entre émigration légale et émigration clandestine.
Au centre du Maroc, les villes de Khouribga, Beni Mellal et Ben Salah sont tristement célèbres, depuis qu’en 2004 une centaine de personnes a trouvé la mort sur la même embarcation qui devait les conduire de la Libye à l’Italie. Tous étaient originaires de cette région, désormais désignée comme le Triangle de la mort. Khouribga, autrefois grande zone minière de phosphate, est aujourd’hui sinistrée; la plupart des mines ont fermé et aucune autre industrie n’est venue soulager un chômage endémique. La situation économique ne permet pas à la région de retenir sa jeunesse facilement éblouie par un miroir aux alouettes. Chaque été, les enfants d’émigrés marocains de la première génération quittent Turin ou Milan pour le Maroc, "ils affichent alors une aisance qui fait rêver les jeunes Marocains, et tandis que les lois pour l’immigration se sont durcies, l’Italie comme les autres pays d’Europe continuent d’attirer", explique Teresa Leone, coordinatrice de l’organisation italienne Progetto Mondo.
Progetto Mondo, un programme italien financé par l’Union européenne, cherche à développer une émigration dite responsable par le biais de formations professionnelles et surtout d’informations sur les risques du passage et les difficultés de la clandestinité en Italie. Teresa Leone défend le projet qui ambitionne de mettre fin aux vagues d’immigrations meurtrières en direction d’Italie : "On ne peut pas arrêter les rêves. C’est toujours pénible de dire à quelqu’un qu’il doit rester alors que l’immigration est un processus naturel et historique C’est tout un système qu’il faut briser plutôt que le rêve, apprendre aux gens qu’il y a mieux que de vendre la maison et les bijoux pour envoyer clandestinement le gamin en Italie ou ailleurs, car c’est un véritable processus et projet familial."
En 2007, sur les 174.275 expulsions entreprises par les Etats membres de l’Union européenne, 10 % étaient des Marocains. Un flux qu’il paraît difficile d’endiguer tant que les indices socio-économiques du Maroc ne sont pas en hausse. D’autant que les Marocains émigrés constituent une force économique non négligeable pour le pays d’origine. L’OCDE, organisation de coopération et de développement économique, a annoncé que, pour l’année 2007, les transferts d’argent envoyés par les migrants à destination des pays en voie de développement s’élèvent à environ 251 millions de dollars, soit en moyenne deux fois et demi l’aide publique au développement.
Source : www.lalibre.be
Le 2 janvier 2010
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