lundi 11 janvier 2010

La justice allemande le dossier d'un demandeur d'asile mort en garde à vue

La justice allemande rouvre le dossier d'un demandeur d'asile mort en garde à vue

LE MONDE | 09.01.10 | 13h26 • Mis à jour le 09.01.10 | 13h26
Berlin Correspondante
http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/01/09/la-justice-allemande-rouvre-le-dossier-d-un-demandeur-d-asile-mort-en-garde-a-vue_1289597_3214.html

Cette affaire était devenue le symbole d'une justice impuissante face aux bavures policières. Jeudi 7 janvier, la Cour de justice fédérale (BGH) a cassé un verdict du tribunal de Dessau, dans la région du Saxe-Anhalt dans l'est de l'Allemagne, qui avait acquitté en décembre 2008 un policier après la mort en garde à vue d'un demandeur d'asile.

Cette décision, intervenue cinq ans jour pour jour après le drame, a été accueillie avec soulagement par les organisations de défense des droits de l'homme. Les faits "qui sont décrits sont difficilement compréhensibles", ont conclu les juges de Karlsruhe en renvoyant le fonctionnaire de police accusé de blessures ayant entraîné la mort devant la cour de Magdebourg.

Le 7 janvier 2005, Ouri Jallow, un jeune homme de 23 ans originaire du Sierra Leone, suspecté d'avoir importuné deux femmes, avait été placé en détention provisoire dans un commissariat de Dessau. Comme il était ivre et se montrait peu coopératif, les policiers l'avaient menotté pieds et mains à un lit. Quelques heures plus tard, il était retrouvé mort dans sa cellule, son corps carbonisé.

Le demandeur d'asile était, semble-t-il, en possession d'un briquet qui avait échappé au contrôle des policiers et qu'il aurait utilisé pour mettre le feu à son matelas. Lorsque l'alarme incendie s'est déclenchée, le fonctionnaire de police incriminé l'a éteinte à deux reprises, croyant à une erreur. Quand, quelques minutes plus tard, il s'est enfin rendu dans la cellule d'Ouri Jallow, il était trop tard. "L'accusé aurait peut-être pu empêcher la mort s'il avait pris les mesures de sécurité adéquates dès le déclenchement de l'alarme", a estimé la cour fédérale, qui s'étonne que le policier n'ait pas entendu les éventuels cris de la victime.

IMPUISSANCE DU DROIT

Ce n'est qu'après la mobilisation d'une poignée de militants et une forte pression médiatique, qu'un procès avait fini par s'ouvrir à Dessau en 2007. Mais sans pouvoir faire la lumière sur les circonstances du décès. Le tribunal avait clôturé cette affaire par un non-lieu : pour les juges, il était impossible de prouver que le policier avait volontairement cherché à blesser le demandeur d'asile, ou qu'une réaction plus rapide aurait pu le sauver. Surtout, les témoignages contradictoires ou incomplets du personnel de police avaient torpillé le travail de la justice. "Cela n'a rien à voir avec un Etat de droit", avait constaté, résigné, le juge Manfred Steinhoff.

Après l'annonce du verdict, l'organisation de défense des réfugiés Pro Asyl avait accusé la police de "racisme institutionnel". "Il y avait un mur de silence à Dessau. Avec le renvoi devant la cour de Magdebourg, l'affaire a une chance d'être éclaircie", espère Regina Goetz, avocate de la famille de la victime. "Dans le cas Ouri Jallow, ce n'est pas l'impuissance du droit, mais la puissance du droit qui doit se montrer", a commenté le quotidien libéral Süddeutsche Zeitung.

De son côté, la ville de Dessau, où un Mozambicain, Alberto Adriano, avait été assassiné en 2000 par des néonazis, a déjà tenté de tirer les leçons de ce drame. Un réseau de lutte contre l'extrême droite et un bureau d'aide pour les victimes de racisme ont été créés.

Cécile Calla
Article paru dans l'édition du 10.01.10


African Voice International - Jeudi 7 janvier 2010

Allemagne: Demandeur d´asile africain mort en prison, l ´affaire refait surface

Cinq ans après la mort en prison d'un demandeur d'asile sierra-léonais, la justice allemande a décidé de rouvrir le dossier. La Cour fédérale de Karlsruhe a annulé l'acquittement de deux policiers prononcé en 2008.

Le 7 janvier 2005 au matin, Oury Jalloh est appréhendé par la police. Il aurait importuné deux femmes à la sortie d'une discothèque. Les fonctionnaires ne parviennent pas à vérifier son identité et l'emmènent au commissariat. Le jeune demandeur d'asile proteste violemment. Ils le mettent dans une cellule, lui attachent les mains et les pieds, et viennent le voir régulièrement jusqu'à 23h45. Quinze minutes plus tard, le détecteur de fumée se déclenche. Ce qui s'est passé après, personne ne le sait. Les policiers affirment qu'Oury Jalloh aurait mis lui même le feu à son matelas, une thèse plausible selon des experts. Mais comment expliquer que les policiers aient mis deux minutes et demie à se rendre dans la cellule, sans emporter d'extincteur ? Quand ils arrivent, Oury Jalloh est mort.

Deux ans plus tard, en mars 2007, débute devant un tribunal de Dessau le procès des deux policiers impliqués.
Dans le même temps, Mouctar Bah, un proche du défunt, met en place une initiative pour faire la lumière sur les circonstances de sa mort. Il fait faire une deuxième autopsie qui révèle une fracture du nez. Par ailleurs, il obtient que la famille du demandeur d'asile se porte partie civile dans le procès. Le frère de la victime, Diallo Jalloh :
« Je ne vais pas laisser faire cela, je vais continuer à suivre l'affaire jusqu'à ce que je trouve la vérité. »

En décembre 2008, les deux fonctionnaires sont acquittés, le tribunal estime qu'ils ont fait leur devoir. Cela déclenche de vives réactions en Allemagne. On parle même de racisme institutionnel
Marco Steckel, conseiller des victimes:

« Dans l'affaire Oury Jalloh, la question de la culpabilité doit être réglée de façon claire. Cela n'a pas été fait jusqu'à présent. Et deuxièmement, il faut montrer à la police que l'Etat de droit ne doit pas et ne peut pas être manipulé. Par ses négligences dans le cadre de l'enquête et par ses fausses déclarations devant le tribunal, la police a obtenu un acquittement. »

Après la décision de la Cour fédérale de Karlsruhe, le procès des deux policiers va de nouveau avoir lieu, cette fois devant le tribunal de grande instance de Magdebourg.


Mort suspecte : un policier rejugé

AFP 07/01/2010 | Mise à jour : 12:42
http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/01/07/01011-20100107FILWWW00560-mort-suspecte-un-policier-rejuge.php

Un policier allemand acquitté dans l'affaire d'un demandeur d'asile mort brûlé durant sa garde à vue va être rejugé après que la Cour de justice fédérale a cassé le verdict d'un tribunal de Dessau (est de l'Allemagne).

En décembre 2008, ce policier avait été blanchi des accusations de blessures ayant entraîné la mort sur Ouri Jallow (également appelé "Oury Jalloh"), un demandeur d'asile originaire de la Sierra Leone, placé en garde à vue et mort quelques heures plus tard dans l'incendie de son matelas auquel il avait été attaché.

L'acquittement de ce policier, ainsi que d'un autre fonctionnaire, avait déclenché une vive émotion en Allemagne tant les circonstances de la mort le 7 janvier 2005 du jeune homme étaient restées opaques.

La Cour de Karslruhe a cassé ce jugement notamment parce que le tribunal de Dessau avait estimé que le policier s'était comporté comme son devoir le lui imposait.

Or, souligne la Cour fédérale, le policier a éteint l'alarme à incendie lorsqu'elle s'est déclenchée et a téléphoné à son supérieur. Il s'est ensuite rendu dans l'espace réservé aux gardes à vue mais a dû dans un premier temps rebrousser chemin car il avait oublié ses clés.

"L'accusé aurait pu empêcher la mort (du demandeur d'asile) s'il avait pris les mesures de secours adéquates dès le déclenchement de l'alarme", ont estimé les juges de Karlsruhe.

Lors du procès, le Parquet avait d'ailleurs assuré que le policier avait fait preuve de graves négligences.

Le demandeur d'asile avait été arrêté, ivre, après avoir été dénoncé par deux femmes qui disaient se sentir importunées.

Les policiers avaient expliqué l'avoir attaché dans la cellule car il avait résisté à l'arrestation.

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