CORRECTIONNELLE | Des dizaines de sans-papiers, principalement Equatoriens, auraient payé un homme de 48 ans en échange d’un prétendu permis de séjour. Hier, lui et son épouse comparaissaient devant le Tribunal pénal de Lausanne.
Pascale Burnier | 08.12.2009 | 00:04
Juin 2005, choc dans le milieu de l’asile vaudois. Des mystérieuses affiches placardées dans toute la ville de Lausanne dénoncent un homme, connu sous le nom de «L’avocat». Il est à l’époque envoyé pour quelques semaines derrière les barreaux. Il aurait promis à des dizaines de sans-papiers de pouvoir régulariser leur situation. Hier, ce Suisse de 48 ans, d’origine chilienne, comparaissait devant le Tribunal criminel de Lausanne pour une longue liste d’accusations dont escroquerie, abus de confiance, menaces ou encore encouragement à la prostitution. A ses côtés, son épouse, une Suissesse de 47 ans, qui lui servait de secrétaire et aurait baigné dans l’affaire.
Jusqu’à 30 000 francs par mois
Les premiers faits remontent à 2001. L’homme, qui se faisait passer pour un conseiller juridique, avait déposé de nombreuses demandes de permis humanitaires auprès du Service de la population vaudois (SPOP).
Selon l’enquête, les clandestins devaient verser une somme allant jusqu’à 2000 francs pour obtenir un titre de séjour se révélant souvent imaginaire. L’homme se serait contenté de faire des photocopies des documents d’identité de ses victimes et gardait les originaux comme moyen de pression.
Un business qui, selon les témoins, pouvait lui rapporter jusqu’à 30 000 francs par mois. Il aurait également floué des entrepreneurs en leur fournissant plusieurs sans-papiers. Il prétendait que, en cours de procédure, ces derniers étaient autorisés à travailler.
Boule à zéro, carrure impressionnante, l’homme nie en bloc. Selon ses dires, il a décidé de se lancer dans ce business car il avait remarqué qu’il y avait «beaucoup d’injustices et de copinages dans ce milieu». Face aux accusations des nombreuses victimes, l’homme crie au complot. «Ils ont témoigné contre moi pour rester en Suisse plus longtemps. Les témoins étaient manipulés par la police. L’enquêteur avait tous les pouvoirs.» Soutenant son client, Jean Lob, a expliqué vouloir démontrer que l’enquête était à charge. «On voulait la peau de mon client!»
Selon l’accusé, c’est sa liaison avec une prostituée brésilienne qui aurait déclenché cette vague d’accusations. Pour lui, sa maîtresse était en fait protégée par un membre de la brigade des mœurs de Lausanne, en échange de faveurs sexuelles. L’agent accusé a déposé plainte contre ces allégations.
Sur le banc des accusés, une épouse dont le rôle n’a pu être encore clairement déterminé au cours de ce premier jour d’audience. Elle aurait rédigé les demandes de permis, mais aussi brûlé tous les documents à la suite de l’arrestation de son mari. Face aux accusations, elle ne cessera de répéter: «Je ne sais pas pourquoi je suis là. J’ai tapé des lettres comme mon mari me le demandait.» Un manque de curiosité qui suscitera celle de la présidente, Sandra Rouleau. La simple secrétaire termine actuellement un master en droit à l’université.
Alors que la liste des victimes entendues par la police est impressionnante, peu d’entre elles ont déposé plainte. Présente hier au procès, une Equatorienne a dévoilé avec émotion qu’elle ne retirerait pas la sienne. «Je fais cela pour tous les Equatoriens qui sont repartis et tous ceux qui n’ont pas eu le courage de venir ici.»
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