lundi 7 décembre 2009

Liban: les sans-papiers palestiniens, des réfugiés fantômes

"Je vis d'aumône et, quand je peux, je me faufile hors du camp pour gagner 10 dollars. Je ne désire qu'une chose: de la pitié pour mes enfants". Comme des milliers d'autres Palestiniens dépourvus du statut de "réfugié", Saïd n'a aucune existence légale au Liban.
La situation de ces sans-papiers, dont héritent leurs enfants et petits-enfants, doit être à l'ordre du jour de la visite lundi du président palestinien Mahmoud Abbas au Liban.

"Je vis d'aumône et, quand je peux, je me faufile hors du camp pour gagner 10 dollars. Je ne désire qu'une chose: de la pitié pour mes enfants". Comme des milliers d'autres Palestiniens dépourvus du statut de "réfugié", Saïd n'a aucune existence légale au Liban. Photo Joseph Eid

 

Entre 3.000 et 5.000 d'entre eux vivent dans ce pays, selon des estimations.
Sans statut officiel ni pièces d'identité, ils savent que s'aventurer hors du camp de réfugiés est dangereux. Ceux qui se font prendre risquent la prison. Ils n'ont en outre pas le droit de travailler et aucun accès aux services de santé ou à l'éducation.
"Ces gens sont tout ce qu'il y a de plus vivants mais ils ne sont pas reconnus comme tels", estime Souheil El-Natour, un analyste palestinien basé à Beyrouth.
Le Liban reconnaît seulement comme "réfugiés" les Palestiniens, et leurs descendants, arrivés sur son territoire à la suite de la création de l'Etat d'Israël en 1948.
Bien que l'ONU chiffre à 400.000 le nombre de réfugiés palestiniens dans ce pays, certains avancent un chiffre plus proche de 250.000 à 270.000, l'ONU n'ayant pas effacé de ses listes ceux partis à l'étranger.
La majorité des sans-papiers sont, eux, arrivés au Liban dans les années 1970, après les événements de "Septembre Noir", lorsque la Jordanie a expulsé l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) et ses milliers de combattants.
Mireille Chiha, du Conseil danois des réfugiés basé à Beyrouth, dénonce des conditions de vie "très difficiles".
"Ils n'ont pas de liberté de mouvement, ne peuvent acheter de voiture ou de moto et ne bénéficient pas des services de l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens", ajoute-t-elle. "Même à l'intérieur des camps, on les considère comme des étrangers".
Leur sort a commencé à être examiné à la fin de la guerre civile (1975-90) et lorsque nombre d'entre eux ont commencé à avoir des enfants et petits-enfants.
Ali Mahmoud Ahmed Abou Ali est arrivé à Beyrouth en 1973. Comme lui, ses enfants n'ont aucune existence légale.
"J'arrive à la fin de ma vie et je m'inquiète pour mes enfants", raconte cet homme de 62 ans qui vit dans le camp de Bourj el-Chemali, situé à Tyr (sud).
Jamileh Mohammed Salloum, une Libanaise de 40 ans, s'est mariée à un sans-papiers sans réaliser ce qu'elle allait endurer, elle et ses trois enfants. Une Libanaise n'est en effet pas autorisée à transmettre sa nationalité à ses enfants.
"Même dans mes pires cauchemars, je n'aurais jamais imaginé que mes enfants n'auraient aucun droit", confie-t-elle.
Des ONG et des experts soulignent le besoin urgent de se pencher sur le dossier, mettant notamment en garde contre les risques de récupération des groupes extrémistes.
"Il existe un aspect politique et sécuritaire dans tout ça", estime Jaber Abou Hawach, de l'Organisation palestinienne des droits de l'Homme, basée à Beyrouth. "La pression à laquelle ils sont soumis pour survivre peut les pousser à se tourner vers le terrorisme".
Malgré ces avertissements, les gouvernements successifs ont fait la sourde oreille.
Les autorités ont bien commencé en 2008 à remettre des papiers à ces Palestiniens, mais le processus a été interrompu en raison de fraudes.

AFP

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