Spécialiste de l’islam en Europe, Stéphane Lathion appelle les musulmans à prendre davantage la parole pour dire que leur façon de vivre leur foi en Suisse n’a rien à voir avec l’intégrisme
Membre fondateur du Groupe de recherche sur l’islam en Suisse (GRIS) rattaché à l’Observatoire des religions de l’Université de Lausanne, Stéphane Lathion a consacré une thèse d’histoire à la question de l’islam en Europe (Les musulmans engagés et l’élaboration d’un nouveau discours). Après avoir été maître-assistant à l’Université de Fribourg à la Chaire de science des religions, il partage actuellement son temps entre le GRIS et une activité d’enseignant professionnel à Genève. Agé de 43 ans, il a commencé par diriger ses recherches vers les Yanomamis, peuple indigène d’Amérique du Sud, avant de s’intéresser, à son retour en Suisse, à l’islam. Ou, plus exactement, aux musulmans: «Je m’intéresse plus à ceux-ci qu’à l’islam.»
Le Temps: Après le scrutin du dimanche 29 novembre sur les minarets, vous avez dit que les craintes des Suisses à l’égard de l’islam étaient légitimes. En quoi le sont-elles réellement?
Stéphane Lathion: Elles sont compréhensibles en ce sens que ce que les Suisses entendent de l’islam depuis 2001, ici comme dans le reste de l’Europe, est rarement positif. En venant se superposer à cet arrière-fonds, la manifestation visible de certains aspects de l’islam a suscité des craintes dont il faut comprendre et reconnaître les causes si l’on veut dépasser les crispations émotionnelles.
– Sur quoi portent donc majoritairement ces craintes?
– Le problème essentiel, c’est la visibilité de l’islam – le foulard, les minarets voire les carrés dans les cimetières –, et la perception que l’on a de cette visibilité. Celle-ci diffère totalement selon que l’on se situe au sein des communautés musulmanes ou dans le reste de la population. Il ne faut pas craindre de placer les musulmans devant ces différences de perception. Faire passer la méconnaissance et le désintérêt pour du respect se paie après coup. Prenez le minaret de Wangen (SO), construit par une communauté derrière laquelle on trouvait les Loups gris, un mouvement turc d’extrême droite. Les autorités auraient pu écouter un peu les réserves des riverains et prendre en compte cet élément pour, éventuellement, refuser l’autorisation.
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