jeudi 19 novembre 2009

Editorial: Minarets: faux débat et vrais problèmes


EDITORIAL | «La construction des minarets est interdite.»


Arthur Grosjean / rédacteur en chef adjoint | 18.11.2009 | 23:59

«La construction des minarets est interdite.» Voilà le texte exact et complet de l’initiative populaire qui sera soumise au vote le 29 novembre prochain. Six mots, pas un de plus. Rarement une initiative fédérale n’aura été aussi claire, concise et, disons-le, stupide.

Cette initiative est d’abord clairement discriminatoire. Elle ne vise que les musulmans et laisse les chrétiens libres de continuer à ériger des clochers.

Cette distorsion est difficilement compréhensible dans un pays où la liberté de culte est garantie. A moins de vouloir revenir au temps des Croisades, où il s’agissait d’imposer à l’autre sa propre foi. On peut s’indigner à juste titre que certains pays arabes persécutent des chrétiens, on ne peut pas en revanche les prendre comme un modèle pour la Suisse.

Les minarets, ces «baïonnettes de l’islam» selon certains, font-ils peser un danger imminent sur notre société? En voit-on pousser dans chaque ville, dans chaque quartier? Pas vraiment. Forte de 400 000 membres en Suisse, la communauté musulmane ne dispose que de… 4 mosquées avec minaret. Alors qu’elle compte plus d’une centaine de lieux de culte. Le minaret, comme n’importe quelle construction, est soumis à autorisation et doit se plier aux normes d’aménagement. On n’est pas près d’en voir un en Vieille-Ville tutoyant la cathédrale Saint-Pierre.

Si le minaret est clairement un faux problème, l’intégration de certains musulmans fait débat et explique les tensions cachées liées à ce vote. Au nom de leur foi, d’une lecture littérale du Coran ou de la tradition, des musulmans revendiquent des dispositions spéciales: le droit de travailler dans la fonction publique en portant le voile, le droit d’avoir un emplacement à part dans un cimetière public, le droit d’organiser de force un mariage arrangé pour leur fille, le droit de porter la burqa, le droit d’interdire toute critique envers Mahomet, etc. Ces exigences, qui ne sont pas de même gravité, heurtent nos valeurs et nos lois. Il n’est pas question de les brader au nom d’un multiculturalisme mal compris. S’il faut rejeter avec force l’initiative sur les minarets, il faut rappeler clairement qu’un non ne saurait servir de tremplin aux fondamentalistes musulmans.

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