Pour la diplomatie suisse, un «oui» à l'initiative contre la construction de minarets le 29 novembre serait problématique.
L'initiative contre la construction de minarets ne rencontre pour l'instant que peu d'intérêt à l'étranger, selon le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Les médias des pays musulmans n'en parlent pas beaucoup.
«Lorsqu'elle y est thématisée, c'est en général de manière différenciée et factuelle», indique le DFAE. La plupart des médias ont traité le sujet sur le ton de l'étonnement. «Quelque chose d'extraordinaire vient de la neutre Suisse!» serait l'idée qui caractérise le mieux la teneur des articles, selon Tamer Aboalenin, correspondant en Suisse de la chaîne de télévision arabe «Al Jazeera».
Selon M.Aboalenin, les médias proches des autorités font preuve de plus de retenue. «Pour les pays musulmans, cette initiative est considérée comme une affaire intérieure à la Suisse», explique-t-il. Un avis renforcé par le fait que le gouvernement helvétique a pris très clairement position contre le texte. /ats
Si la sécurité du pays et de ses ressortissants ne devrait pas en être affectée, sa crédibilité serait mise à mal.
Il serait incompréhensible qu'un pays qui s'engage activement pour la protection des minorités discrimine une communauté religieuse à l'intérieur même de ses frontières, explique Tamer Aboalenin, correspondant à Berne de la chaîne de télévision arabe «Al Jazeera». Les diplomates suisses tentent dans plusieurs pays musulmans de résoudre les conflits en prônant la cohabitation entre les cultures, poursuit le journaliste.
«La Suisse se disqualifierait en tant que médiateur impartial et garant des principes humanitaires», renchérit Kurt Spillmann, professeur à l'EPFZ, spécialisé dans l'étude des conflits.
Sans oublier les effets sur le travail du CICR dans les pays musulmans, sur Genève en tant que siège des organisations internationales ou sur les quelque 10'000 Suisses vivant dans un pays majoritairement musulman, ajoute le diplomate à la retraite André von Graffenried, ancien ambassadeur de Suisse en Algérie.
Une aubaine pour Kadhafi
Une interdiction des minarets pourrait aussi compliquer la situation avec la Libye. Selon Tamer Aboalenin, Mouammar Kadhafi y verrait une bonne occasion de présenter la Suisse sous un mauvais jour. Il pourrait aussi utiliser ce vote pour prouver que Berne est contre l'islam.
Un «oui» n'aurait pas seulement des conséquences négatives dans les pays musulmans. Cela affecterait aussi l'image de la Suisse dans le monde occidental, qui tend actuellement vers une politique de dialogue avec l'islam, souligne encore André von Graffenried.
Ambassades parées
Le Département fédéral des affaire étrangères (DFAE) est bien conscient de ces répercussions. Il n'a donc pas attendu pour prendre les choses en main, en misant surtout sur la communication. «Les ambassades sont prêtes», indique son porte-parole Adrian Sollberger. «Elles disposent de tous les éléments pour faire un bon travail d'information et entretiennent activement leur réseau de contacts.»
Quant à la sécurité des représentations suisses à l'étranger, le DFAE ne se montre pas particulièrement inquiet. Aucun plan spécial n'est prévu. «La Suisse a un dispositif général de sécurité valable pour toutes les ambassades en cas de crise pouvant affecter ses propres ressortissants. Ce plan sera aussi applicable si des problèmes liés à l'initiative surviennent», précise le porte-parole.
Attaque terroriste
Pourtant, on ne peut pas exclure un embrasement, comme cela avait été le cas dans l'affaire des caricatures danoises. «Comme pour les caricatures, il y a un risque que l'initiative soit instrumentalisée par les fondamentalistes», note André von Graffenried.
Un avis nuancé par Tamer Aboalenin. «Le gouvernement et la majorité des grands partis suisses ont eu une ligne claire et l'ont rejetée depuis le début», explique-t-il. «Le gouvernement danois s'était quant à lui montré très arrogant. Le premier ministre avait refusé de discuter avec les ambassadeurs des pays musulmans, ce qui avait été perçu comme une insulte.»
Le journaliste estime donc que la Suisse ne court pas de danger. Le professeur Spillmann abonde. «Il ne faut pas craindre des conséquences directes pour la sécurité du pays, comme par exemple une attaque terroriste».
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