jeudi 29 octobre 2009

«Nous, musulmans, réclamons une place dans la société»

RACHAD ARMANIOS

GenèvePORTES OUVERTES - L'Union des organisations musulmanes de Genève prend position contre l'interdiction des minarets et annonce une journée portes ouvertes. Une première.
Face à l'initiative visant à interdire les minarets, les musulmans ont jusqu'ici plutôt fait profil bas (lire en page 7). Mais, à un mois du scrutin, l'Union des organisations musulmanes de Genève (UOMG) monte sur le ring. Cet organe fédérant onze associations religieuses et culturelles du canton n'avait plus jamais fait parler de lui depuis l'annonce de sa création en 2006. Il aura fallu l'initiative fédérale lancée par des membres de la droite dure et chrétienne pour faire réapparaître cette faîtière censée donner une voix commune et représentative aux musulmans du canton. Hier, elle dénonçait un texte clairement «islamophobe». Elle annonçait aussi une journée portes ouvertes le 7 novembre permettant aux Genevois de mieux connaître les activités des associations musulmanes[1].
«C'est la première fois que des musulmans prennent officiellement position dans une votation. Cela montre notre volonté de nous inscrire dans le système suisse. L'UOMG pourrait se prononcer à l'avenir sur d'autres scrutins», commente sa nouvelle vice-présidente, la Genevoise Lucia Dahlab, convertie à l'islam il y a vingt ans.
L'initiative va à l'encontre des lois et des valeurs suisses, dénonce-t-elle. «Si on interdit les minarets, la Constitution obligera d'interdire aussi les clochers, sinon ce serait une discrimination religieuse inacceptable», relaie Hani Ramadan, directeur du Centre islamique des Eaux-Vives.


Une tradition importante

«Le minaret n'est pas une prescription religieuse, mais une tradition architecturale et culturelle très importante, reprend MmeDahlab. Il n'est pas un symbole politico-religieux et n'a rien d'agressif. Se sentir reconnu permet de s'intégrer. On ne peut pas rejeter les musulmans et leur reprocher ensuite de ne pas s'intégrer. Nous réclamons une place dans la société.»
Cette «campagne de stigmatisation» en suit bien d'autres depuis une dizaine d'années: «C'est dur à vivre. On a le sentiment d'être manipulé», témoigne MmeDahlab. Selon cette femme voilée, le climat s'est durci: «On me dit de retourner chez moi, alors que je suis genevoise. On doit sans cesse montrer qu'on n'est pas dangereuse. En classe, un adulte a dit à ma fille: 'C'est parce que tu fais ramadan que tu n'arrives pas à réfléchir?'»
Aux citoyens craignant l'imposition de la charia, Hani Ramadan répond: «Même si tout croyant place la loi de Dieu au-dessus de celle des hommes, cela ne contredit pas le principe islamique qui impose de se conformer aux lois du pays de résidence.» «Je suis enseignante et la règle m'impose d'ôter mon voile au travail. Je le fais, même si je me sens humiliée», confie MmeDahlab.


La burqa, un «faux problème»

Le concept d'une islamisation rampante l'irrite: «Les musulmans sont des gens qui travaillent et élèvent leurs enfants. Ils forment 5% de la population et seuls 10% sont des pratiquants voulant vivre tranquillement leur foi.»
«Les musulmans sont une partie de la solution, ajoute Adel Mejri, de la Ligue musulmane. Nous sommes prêts à résoudre les difficultés qui se posent, mais autour d'une table, pas dans une ambiance de guerre.» La prochaine attaque de l'UDC portera sur le «faux problème» qu'est la burqa, parie-t-il. Sur ce point, il estime qu'une femme doit pouvoir choisir son habit, burqa comme minijupe.
Même avis de MmeDahlab, qui ne se reconnaît pas dans l'image de femme soumise qu'on lui renvoie. «Laissez les musulmanes porter elles-mêmes leurs revendications», demande-t-elle.
Reste que Hani Ramadan s'est illustré en défendant la lapidation des femmes adultères. L'exposer face à des adversaires qui réduisent l'islam à la burqa, n'est-ce pas verser de l'eau à leur moulin?
«Cette polémique est complètement dépassée et malvenue», répond-il. Sur le fond, il distingue ce que permet d'envisager la doctrine et ce que les musulmans, qui ne visent pas à imposer leurs points de vue, peuvent vivre en Suisse.
Les portes ouvertes sont organisées avec le soutien de la Plate-forme interreligieuse et du Bureau de l'intégration. Malgré des «crispations liées à ses difficultés institutionnelles», la Mosquée du Petit-Saconnex prendra part à l'opération de séduction, explique MmeDahlab, répondant à la place de l'imam de la mosquée, Youssouf Ibram, absent hier. I

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